CHRONIQUE 5: CAN 2025, quand le génie n’a plus de numéro

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CAN 2025 : quand le génie n’a plus de numéro


Il fut un temps où le football africain avançait au rythme d’un homme. Un homme libre entre les lignes, tête levée, ballon collé au pied, capable d’arrêter le temps d’une feinte ou d’un regard. À l’occasion de la CAN 2025, difficile de ne pas ressentir une pointe de nostalgie en constatant la disparition progressive du fameux numéro dix, ce meneur de jeu qui faisait battre le cœur du stade.

Comment ne pas penser à Lakhdar Belloumi, chef d’orchestre de l’Algérie des années 80,dont chaque prise de balle semblait annoncer un danger ? À Théophile Abega, surnommé « le Docteur », intelligence tactique rare, capable de soigner un match d’une passe chirurgicale.

À Aziz Bouderbala, funambule imprévisible, ou encore à Mahmoud Al Khatib,idole éternelle d’Al Ahly, incarnation du jeu élégant et décisif. Ces joueurs-là ne couraient pas après le jeu : le jeu passait par eux.

Aujourd’hui, le football moderne a changé. Il est plus rapide, plus dense, plus codifié. Les systèmes ont avalé les individualités. Le pressing tout-terrain, les blocs compacts et les transitions éclair ont relégué le numéro dix au rang de luxe superflu. On lui préfère des milieux « box-to-box », des ailiers intérieurs, des faux neuf. Le génie doit désormais courir, défendre, se fondre dans le collectif, parfois jusqu’à s’effacer.

La CAN n’échappe pas à cette mutation. Les sélections africaines, longtemps célébrées pour leur créativité spontanée, se sont alignées sur les standards européens. C’est une évolution logique, souvent nécessaire pour gagner. Mais à quel prix ? Celui d’une certaine poésie. D’un football qui osait ralentir pour mieux surprendre.

La nostalgie n’est pas un refus du progrès. Elle est un rappel. Celui qu’un match peut aussi se gagner par l’inspiration pure, par un joueur capable de voir ce que les autres n’imaginent pas encore. Le numéro dix n’a peut-être pas disparu. Il attend simplement qu’on lui redonne le droit d’exister.

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