CHRONIQUE 2 : Le charme perdu du joueur local

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CHRONIQUE 2 : Le charme perdu du joueur local
@DR

À l’heure où la 35e édition de la Coupe d’Afrique des nations commence à livrer ses vérités, une tendance s’impose avec la force tranquille des évidences dérangeantes : les sélections africaines regardent de moins en moins vers leur propre sol. À force de scruter les bancs européens, on en oublierait presque que l’Afrique produit encore, et toujours, des footballeurs capables de vibrer autrement.

Le paradoxe saute aux yeux. La CAN, compétition identitaire par excellence, se joue de plus en plus avec des joueurs formés ailleurs, évoluant ailleurs et parfois éloignés depuis longtemps de la ferveur locale. Même le poste de gardien de but longtemps issu du championnat local pour certaines sélections dont l’Algérie n’a pas résisté à cette tendance. 

Dans ce paysage globalisé, l’Afrique du Sud fait figure d’exception relative dans cette CAN : une sélection largement nourrie par son championnat domestique, la Premiership, et fière de l’assumer. Un choix qui interroge autant qu’il inspire.

L’ancien sélectionneur Claude Leroy, surnommé « le sorcier blanc », l’avait compris bien avant les autres. Lui militait pour quatre ou cinq joueurs issus des championnats locaux dans chaque groupe. Non par folklore, mais par conviction technique et humaine. Selon lui, les sélections se régénèrent et s’enrichissent mieux ainsi. Un joueur moyen évoluant hors d’Afrique n’apportera jamais autant d’enthousiasme, de fraîcheur et de faim qu’un joueur local talentueux, porté par son public et son quotidien.

À la CAN, le rythme est particulier, l’environnement souvent déroutant : autant de paramètres que maîtrisent mieux ceux qui les vivent chaque semaine. Le joueur local ne triche pas. Il joue pour exister, pour être vu, pour représenter. Il joue avec le ventre. Là où certains expatriés arrivent avec le statut mais sans l’élan. Bien sûr, l’Europe reste une vitrine et une école. Mais la CAN n’est pas une annexe de la Ligue des champions. Elle est un miroir de l’Afrique du football. En négligeant ses talents du cru, le continent risque d’y perdre son accent, sa saveur, son supplément d’âme. Peut-être est-il temps, comme l’Afrique du Sud, de regarder à nouveau vers l’intérieur pour mieux briller à l’extérieur.

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