Décès de Boubekeur Hamidechi : le journaliste essentiel

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Décès de Boubekeur Hamidechi : le journaliste essentiel

Boubekeur Hamidechi s’en est allé. Un grand nom de la presse algérienne s’est éteint. Il écrivait comme on respire, avec cette élégance naturelle des hommes pour qui la plume n’est pas un métier mais un état d’âme. Boubekeur Hamidechi, que ses amis appelaient affectueusement « Bob », était de ceux qui ont fait du journalisme algérien une véritable école de pensée.

Né à Constantine en 1942, il a traversé plus de six décennies d’écriture, de débats, de chroniques et de reportages, sans jamais se départir de ce sourire éclatant et de cette curiosité insatiable qui faisaient de lui un être à part.

Son aventure journalistique commence en 1966, à An-Nasr, alors journal francophone, où il signe ses premiers papiers dans la rubrique des « faits divers ». Très vite, son style alerte et son sens du terrain l’imposent. Avec quelques confrères passionnés, il participe à la création du mythique hebdomadaire El Hadef, une publication sportive mais aussi littéraire par la force de sa plume, où il invente une écriture nouvelle : libre, vivante, hybride, entre reportage et poésie. Ce fut le laboratoire d’un journalisme créatif, populaire et intelligent.

Plus tard, à la fin des années 1980 et début des 1990, il fonde et anime Les Nouvelles de l’Est, un hebdomadaire devenu culte à Constantine, avant de rejoindre Le quotidien Le Matin disparu en 2004 pour enfin finir son parcours au Soir d’Algérie. Bob marquera profondément les lecteurs par sa chronique « Lettres de province » — un bijou de lucidité, de verve et d’élégance. À travers ces chroniques, il offrait chaque semaine une leçon de journalisme, une lecture subtile des réalités politiques et sociales, toujours nourrie d’une immense culture et d’un regard profondément humain.

Bob, c’était la plume et la parole, la rigueur et la tendresse. Il pouvait, dans la même conversation, citer Brecht, Marquez, ou Kateb Yacine, disserter sur le CSC ou sur Ben Badis ou parler de l’économie comme d’une histoire de passions humaines. Il croyait que le journalisme devait être une culture de l’ordinaire, une manière de parler vrai sans jargon, d’expliquer simplement ce que d’autres compliquent inutilement.

«Un journal, ça devrait être le poult de la société»

Pour lui, l’écriture est un lieu de partage, non d’égoïsme et de mise en avant. Ce qu’il cherchait avant tout, c’était le mot juste, celui qui éclaire sans froisser, celui qui touche sans trahir.

A Constantine, il laisse une empreinte profonde : chroniqueur du quotidien, témoin du siècle, passeur de mémoire. Il y parlait de Ben Badis, de Malek Haddad, de Tahar Ouettar, des cafés et des ponts qui faisaient la vie d’une cité à la fois conservatrice, fière et mélancolique. Il incarnait cette Algérie lettrée, fraternelle et rieuse, celle qui sait rire d’elle-même tout en rêvant plus haut.

Jusqu’à son dernier souffle, Boubekeur Hamidechi est resté fidèle à son credo : penser librement, écrire honnêtement, aimer passionnément.
Timide, il fuyait pas les décorations ni les titres honorifiques. Ce qu’il voulait, c’était le plaisir d’écrire, la beauté du mot juste, et ce dialogue silencieux avec le lecteur.

Aujourd’hui, il nous laisse une œuvre journalistique considérable, un style limpide, une leçon d’humilité et de liberté.
Boubekeur Hamidechi n’était pas seulement un grand journaliste algérien. Il était, tout simplement, un immense journaliste.
Et c’est sans doute pour cela que son souvenir, comme sa plume, ne s’effacera jamais.

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