Au sixième jour du Festival international du théâtre de Bejaïa, le public a été transporté sur un champ de bataille africain grâce à une pièce percutante venue du Sénégal : Confessions de mercenaires. Porté par un texte puissant de Saintrick Mayitoukou et une mise en scène incisive de Naby Moise Bangoura, le spectacle a tenu la salle du théâtre Abdelmalek Bougermouh en haleine grâce à une confrontation verbale d’une grande intensité.
L’action se déroule sur un front nord-est ravagé par la guerre, où deux armées ennemies l’Armée rouge et les Brigadiers noires se sont mutuellement décimées. Dans ce paysage apocalyptique, seuls deux hommes ont survécu : Bob le Noir, chef charismatique des Brigadiers, et John Mpiri, commandant redouté de l’Armée rouge.
Gravement blessé au bras et à la jambe, Bob est découvert par John, qui voit en lui une prise stratégique majeure : le trophée de guerre qui pourrait affaiblir définitivement le clan adverse. Mais Bob refuse de se soumettre. Commence alors un duel oratoire haletant, où intimidation, ruse et stratégie se mêlent dans un face-à-face tendu. Les répliques fusent comme des balles : chaque mot devient une arme, chaque silence un piège.
Au-delà du conflit individuel, la pièce dévoile les dessous politico-militaires et les enjeux néocoloniaux qui se cachent derrière ces guerres africaines : lutte pour le contrôle des ressources naturelles, manipulations extérieures, trahisons et jeux d’alliances. Bob, malgré ses blessures, déploie toute son intelligence et sa résistance pour tenter de retourner la situation, tandis que John cherche à imposer sa domination en exploitant la faiblesse apparente de son ennemi.
Sur scène, les deux comédiens, Papa Khaly Dramé (Bob) et Moise Nkeoua (John), livrent une performance impressionnante. Leur duel est habité, précis, vibrant d’une intensité physique et émotionnelle rare. Le public, suspendu à chaque réplique, assiste à une bataille psychologique qui dépasse largement le champ de guerre pour interroger l’histoire contemporaine du continent africain.
Confessions de mercenaires a ainsi offert à Bejaïa une soirée intense, entre théâtre politique et drame humain, confirmant la vitalité de la scène théâtrale sénégalaise et la pertinence de ses regards sur les réalités africaines d’aujourd’hui.