L’unité artisanale «Yazro» spécialisée dans la fabrication d’huiles essentielles et végétales a le vent en poupe et, est en train de s’installer, dans le paysage de la région de Meurad (daira de Hadjout), comme un exemple réussi d’entreprenariat juvénile et de surcroit, respectueux de l’environnement.
Un jeune couple, Aoued Mohamed et Nacera natifs de la commune de Meurad s’est lancé, depuis 2019, dans un projet familial de production d’huiles essentielles et végétales, dont l’unité artisanale est dénommée « Yazro », qui signifie rocher, du nom de la montagne, qui surplombe la localité et dont les flancs regorgent de plantes aromatiques. Une expérience, partie de rien, et qui s’est avérée enrichissante pour ces deux jeunes pionniers. Le jeune couple, issu de la formation professionnelle de la wilaya, puisqu’ils sont tous deux diplômés de l’INFP de Hadjout, ont investi dans ce créneau, comme dans une aventure, sans lendemain, étant donné le peu d’intérêt et d’encouragement des responsables locaux et de leur entourage.

Les deux partenaires dans la vie et au travail, techniciens supérieurs en agronomie, spécialisés dans la protection des végétaux et diplômés depuis 2007, ont exercé plusieurs activités avant de se fixer sur ce projet, qui à l’air de leur offrir de belles perspectives. L’intérêt des citoyens pour les médecines douces eet l’utilisation de plantes, aussi bien pour la santé, que pour la beauté et le bien être en général, n’est pas, non plus, étranger à cet engouement et leur encouragement à aller de l’avant.
Après avoir bénéficié de stages de formation chez le Dr Sahraoui à l’INA d’El Harrach, ensuite chez un spécialiste en huiles essentielles à Alger-centre et, enfin, dans une entreprise française à Annaba, le jeune Aouad Mohamed et son épouse se sont jetés dans le bain, en sacrifiant leurs petites économies, en plus du soutien de l’Angem (90 millions de centimes), pour acheter leurs premiers équipements qui consistaient en en un alambic.
Après avoir débuté avec les moyens de bord, les jeunes pionniers sont installés, aujourd’hui, dans un grand hangar appartenant à la commune, acquis sur la base d’une location aux enchères, qu’ils ont commencé à aménager, en créant un bureau, un petit laboratoire et des salles pour l’extraction des huiles végétales et essentielles, ce qui leur permet de produire des huiles végétales pressées à froid et à la vapeur. Une panoplie d’huiles essentielles allant de la lavande, au romarin, à l’eucalyptus, au cyprès, aux pépins de figues de barbarie et au romarin, pour ne citer que ceux là.
Avant de se lancer dans la production d’huiles essentielles, Nacéra était femme au foyer, nous raconte t-elle, tout en réfléchissant et rêvant de lancer un projet, celui d’ouvrir une bibliothèque. Mais, confiera t-elle au soir d’Algérie, vu le peu d’intérêt au livre et à la lecture, elle a fini par y renoncer et opté pour les huiles essentielles et végétales.
Son mari, de son côté, pour subvenir aux besoins de la famille, et faire face aux charges de son entreprise, avec d’autres activités, en étant apiculteur, fellah, et collecteur / livreur d’abricots aux usines de production des confitures. En se lançant dans la vente d’abricots des vergers de la région aux usines de fabrication de confitures et autres spécialisées dans les jus de fruits, il fut bien inspiré, puisque cela lui ouvrira le marché pour la récupération des noyaux pour fabriquer son huile, produit phare aujourd’hui de son unité artisanale.
A vrai dire, le couple reconnait que l’idée leur a été soufflée par un ami à eux, en l’occurrence, le défunt moudjahid Rekibba Mohamed, un féru de produits naturels, et qui avait une maitrise incroyable de la fabrication des huiles, se souviennent ils. Aâmi Mohamed Rekibba, comme ils l’appellent affectueusement, lors de ses visites, leur offrait des flacons d’huiles essentielles, pour résoudre leurs petits soucis sanitaires et autres, d’où leur intérêt pour ces produits.
Mohamed, le jeune promoteur, très enthousiaste, se souvient, aussi, que leur ami, qui leur rendait visite souvent, sentait toujours bon et à la question de savoir quel était son secret, il leur avoua qu’il s’intéressait, depuis toujours, aux huiles essentielles extraites de plantes et de fleurs, dont regorge le pays. Cela tombait bien, la région de Meurad, entouré de montagnes, abritait une flore très diversifiée et des plantes aromatiques, propices à la transformation en produits odorants, dont les bienfaits sur la santé et le bien être ne sont plus à prouver.
Ca y est, se disent-ils « notre voie est trouvée ». En plus des informations prodiguées par leur ami, ils se mirent à faire des stages et à s’informer sur les différentes techniques d’extraction des huiles essentielles.
Aâmi Mohamed Rekibba et le prêt de l’ANGEM en 2019 leur ouvrent les portes de l’entreprenariat privé.
L’expérience de Aâmi Mohamed et le prêt Angem, seront la clef de sésame, racontent-ils, pour se lancer, sans hésiter, dans l’aventure, en achetant le premier alambic de 100 litres à Bejaia et commencer la production d’huiles essentielles d’eucalyptus, puis de cyprès (aârâar) , très présent dans la région, puis le romarin etc…

La région est, selon nos interlocuteurs, surtout connue pour la présence de lavande sauvage, dite papillon, qui pousse sur les flancs du mont Azro (qui veut dire le rocher en parler local) d’où le nom de leur unité. Après l’expérience de la production d’huiles essentielles, qui a été concluante, le jeune couple décide de se lancer dans la production d’huiles végétales. Bien sûr, il a fallu faire plusieurs formations d’une durée, chacune de 15 jours. Le couple en fait, chacun de son coté, plusieurs, aussi bien, chez le privé à Annaba qu’au nniveau de la chambre de l’artisanat. La lecture et la pratique quotidienne au niveau de leur unité, au départ dans un local exigu, leur a permis de s’améliorer disent-ils en chœur.
Après 5 ans d’expérience, ils peuvent s’enorgueillir des résultats, puisqu’ils arrivent à produire et vendre des huiles essentielles d’eucalyptus, de lavande, de cyprès, d’Origan et de lavande. Pour les huiles végétales, leur spécialité c’est l’huile d’abricot, car Meurad est une productrice de ce fruit dans la wilaya.
Aujourd’hui, ils font des essais dans la production, aussi, de l’huile de ricin, d’amande douce, de lentisque,
Pour l’extraction d’huiles végétales, ils travaillent, actuellement, sur 02 machines en plus d’une nouvelle dédiée à l’extraction de l’huile essentielle de pépins des figues de barbarie, qui leur a couté très chère, disent-ils. Pour l’huile essentielle, ils travaillent sur 2 machines, une acquise avec le prêt Angem. Pour le moment, ça nous suffit, disent-ils, car notre marché est petit. La vente se fait en vrac à Alger, à Oran, Tlemcen et dans certaines wilayas du sud pour la fabrication de cosmétiques. La vente en détail se fait dans deux boutiques, une ouverte à Tipasa, non loin du port, mise à leur disposition par la wilaya pour encourager les artisans, et une seconde à Meurad pour rester fidèle à leur ville natale.
Ils se réjouissent que le rendement est très intéressant pour l’huile d’abricot, car il faut 2 kg de noyaux pour avoir un litre, et surtout parce que le fruit est présent, en grandes quantités, dans la région, même si, cet été, la récolte a été mauvaise sécheresse oblige. Actuellement, la production est de 4000 litres par jour d’huile. Les approvisionnements en noyaux d’abricots se font auprès de l’usine de jus de fruits de Rouïba. Nous avons réussi à organiser un cercle vertueux, explique Mohamed, car nous vendons les abricots aux usines de confiture et de jus et nous récupérons les noyaux. Il existe 800 ha d’abricots dans la région de Meurad, mais cette année il y a eu une maladie qui a décimé les vergers. Alors, pour compenser le déficit, ils importent des noyaux d’abricots de la région est du pays, dont M’sila et Batna. Mohamed et son épouse, très emballés par les bons résultats, ne manqueront pas de nous vanter les bienfaits de l’huile d’abricot qui, dit-il, est excellente en cosmétique et pour les massages. Pour développer la production, ils projettent d’acheter une distillerie plus grande. Ce qui leur permettra, pourquoi pas, de chercher des marchés à l’étranger étant donné la qualité de plantes en Algérie. Des essais d’exportation ont, même, été tentés vers la France, le Canada, le Qatar, l’Arabie Saoudite et même Madagascar avec, selon eux, de bons retours d’informations sur la qualité de leurs huiles considérées comme pures.
Pour l’huile de pépins de raisin, ils s’approvisionnent auprès des caves viticoles de la région, ce qui leur permet de faire , d’une pierre deux coups, c’est à dire produire de l’huile et récupérer les déchets qui sont, par la suite, enfouis dans leurs lopins de terre agricole. Pour l’huile de pépins de figues de barbarie, elle est achetée chez les fellahs de plusieurs régions du pays. Des expériences sont, en ce moment, tentées dans l’huile de courge et de ricin, qui est une plante sauvage qu’on trouve partout, qui donne de très bons rendements, se félicitent-ils.
Interrogé sur l’effectif de l’unité artisanale, on apprend que des femmes rurales, saisonnières, s’occupent du tri des noyaux, tandis que de 5 à 6 employés travaillent dans cette unité, pour le tri des amandes d’abricots, (même les déchets sont récupérés et réutilisés) dans leurs terres agricoles, 03 jeunes exercent dans l’extraction, un chargé des réseaux sociaux, un chauffeur et 02 spécialisés dans la vente.
Sur les traces du défunt Tidafi Temi, le premier à avoir créé une distillerie d’huiles essentielles à Meurad.
Mohamed a quelques réminiscences de son enfance. Il se souvient, en effet, de la présence aux abords de l’école primaire, où il étudiait enfant, que le quartier embaumait d’odeur de parfum enivrants, en raison de la présence de la distillerie d’huiles essentielles du défunt Tidafi Temi, un cadre du secteur agricole et qui était président de l’association pour l’enfance abandonnée AAEFAB. Celle ci gérait les deux pouponnières, de Hadjout et de Palm Beach, toutes deux fermées aujourd’hui, en raison d’une mauvaise gestion par la nouvelle équipe de l’association.
Enfants, raconte-t il, on passait prés de la distillerie d’huiles essentielles, on pensait que c’était une usine de parfums.
La distillerie des Tidafi, située juste en face du hangar de l’unité Azro, est, malheureusement à l’arrêt, depuis la décennie noire qui a rendu difficile, voire impossible la récupération les plantes dans les forêts avoisinantes, puis par le décès de son intitateur.
Mohamed, qui se réjouît d’avoir pris la relève, nous raconte que, grâce à Jackeline, l’épouse du défunt Tidafi, ils ont récupéré du matériel, dont un Chromatographe et même des quantités d’huile essentielle de lavande, d’armoise, de cyprès, de genévrier et de citronnelle, qu’ils vont analyser pour connaitre ses propriétés, par rapport aux leurs. La jeune équipe cherche, actuellement, un docteur pour faire les analyses des molécules de ces huiles, car avec les changements climatiques beaucoup de choses ont changé, le stress hydrique étant passé par là.
«Créer un conseil professionnel des producteurs des huiles essentielles dans la wilaya de Tipasa, en collaboration avec l’administration des forêts pour développer la filière, productrice de richesses et d’emplois, nous dit-il, fait partie de ses vœux et projets. Mohamed se dit prêt à recevoir des stagiaires ou des étudiants pour compléter leur formation en huiles essentielles étant donné que la matière première ne manque pas en Algérie dans toutes les régions du pays.

Sensibilisation tous azimuts sur l’extraction des huiles végétales et essentielles
Cet engouement pour l’utilisation des huiles essentielles, comme alternative aux médicaments et autres produits cosmétiques, a incité les responsables locaux à s’intéresser au créneau. C’est le cas notamment de la conservation des forêts , qui a pris son bâton de pèlerin, pour sensibiliser les riverains des forêts à investir ce créneau et la maison de l’environnement de la wilaya, qui a organisé une session de formation sur les techniques d’extraction des huiles végétales et essentielles..
Cette formation, organisée en coordination avec l’Institut National des Formations en Environnement, avait pour objectif de « promouvoir l’esprit entrepreneurial chez les jeunes, notamment l’élément féminin, en vue du lancement de projets écologiques, amis de l’environnement », selon ses initiateurs .Les bénéficiaires de cette session se feront délivrer une carte d’artisan, leur ouvrant droit au lancement de projets dans le cadre du dispositif de l’Agence Nationale de Gestion du Micro crédit (ANGEM),
D.S










