Zouzou : la sardine comme métaphore, l’émancipation comme horizon

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Zouzou : la sardine comme métaphore, l’émancipation comme horizon
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Récompensée d’une mention spéciale dans la catégorie Formats Courts à Séries Mania 2025, la mini-série algérienne Zouzou — également intitulée sur les télés françaises El’Sardines — est une pépite narrative qui mêle avec finesse fable écologique, portrait social et quête d’émancipation féminine.

Réalisée par l’Oranaise Zoulikha Tahar, connue sous son nom d’artiste, « Toute fine », cette œuvre en six épisodes de onze minutes dépeint, à travers une esthétique soignée et un ton doux-amer, les combats intimes d’une jeune femme moderne dans une société algérienne tiraillée entre traditions et aspirations contemporaines.

Au cœur de l’histoire, Zouzou (Meriem Amiar), une ingénieure bio-maritime de 30 ans, vit à Oran. Le décor de la série est planté à l’occasion du mariage imminent de sa sœur. Passionnée par ses recherches océanographiques, elle est hantée par un mystère écologique : la disparition inexpliquée des sardines au large des côtes oranaises.

Ce prétexte, à première vue léger, devient une métaphore puissante de sa propre quête de liberté. Car Zouzou, célibataire et indépendante, se heurte aux attentes oppressantes de sa famille et de son entourage. Sa mère, incarnation des conventions sociales, lui reproche son célibat, ses cheveux frisés jugés « indomptables », son corps « trop maigre » et ses ambitions jugées peu conformes aux normes de féminité. « Tu vas finir vieille fille », lui répète-t-on, comme un mantra asphyxiant.

Entre les préparatifs du mariage, les ragots du voisinage et les séances chez une coiffeuse aux allures de thérapeute merveilleusement interprétée par la talentueuse Meriem Medjkane, Zouzou navigue dans un quotidien où chaque détail — un regard, une remarque, une injonction — pèse sur ses choix. Le dilemme central est déchirant : partir pour une expédition scientifique d’un an, synonyme de liberté et d’épanouissement, ou céder à la pression familiale et sociale pour endosser le rôle qu’on attend d’elle. Épisode après épisode, la série tisse le portrait nuancé d’une femme en quête d’elle-même, dans un équilibre subtil entre humour, tendresse et gravité.

Coécrite avec la romancière algérienne Kaouther Adimi, connue pour son roman « Nos richesses », Zouzou se distingue par son regard authentique sur le quotidien des femmes algériennes. Loin des stéréotypes ou du misérabilisme, la série capture la complexité des liens familiaux, entre amour et entraves, tout en explorant des thématiques universelles : le poids des traditions, la quête d’identité et le désir d’ailleurs.

La série a été saluée par la critique pour sa capacité à « raconter l’Algérie d’aujourd’hui à travers une héroïne qui incarne les tensions et les espoirs d’une génération ». Son format court, original et maîtrisé, permet de condenser avec justesse une fresque à la fois sociale et intime, ce qui constitue un autre de ses atouts remarqués.

Portée par une équipe artistique talentueuse, Zouzou bénéficie de la musique de Pierre Oberkampf, qui accompagne les vagues émotionnelles du récit, et des performances remarquables du casting, incluant Lina Boumedine, Rabie Ouadjaout et Dalila Nouar. Diffusée par la chaine franco-allemande Arte, la série s’inscrit dans une volonté de valoriser les récits issus de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord).

Présentée en avant-première à Séries Mania 2025, dans une session dédiée aux séries du Ramadan et aux créations MENA aux côtés de Eddama et El Barani, El’Sardines marque un jalon historique en devenant la première série algérienne à se distinguer dans ce festival international.

Diffusée depuis le 2 juin 2025 sur Arte.tv, TV5MONDEplus, ainsi que sur la chaîne YouTube et la page Instagram d’Arte, Zouzou touche un public large grâce à sa disponibilité numérique. Selon des posts repérés sur X, la série a suscité des réactions enthousiastes, certains spectateurs louant sa « poésie visuelle » et sa capacité à « parler à la fois au cœur et à l’esprit ». D’autres soulignent son universalité, décrivant Zouzou comme une héroïne « à la croisée des chemins, entre racines et rêves d’évasion ».

Zouzou n’est pas seulement une série sur la disparition des sardines ou les tensions familiales. C’est un miroir tendu à une génération de femmes qui, en Algérie comme ailleurs, cherchent à concilier leurs aspirations avec les attentes de leur entourage. Avec pudeur et sincérité, Zoulikha Tahar signe une œuvre qui, comme la mer qu’elle filme, est à la fois profonde, mouvante et porteuse d’espoir.

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