14e Festival international du théâtre de Béjaïa : «Carnaval Romain», un miroir sans concession entre art, pouvoir et oubli

0
14e Festival international du théâtre de Béjaïa : «Carnaval Romain», un miroir sans concession entre art, pouvoir et oubli

Pour la troisième soirée du 14e Festival international du théâtre de Béjaïa, le public a assisté dans la soirée du dimanche à un moment fort de cette édition avec la présentation de la pièce Carnaval Romain, signée Mouni Boualem et produite par le Théâtre régional de Constantine. Ce spectacle, inspiré librement de l’œuvre du dramaturge hongrois Miklós Hubay, a plongé le Théâtre Abdelmalek Bouguermouh dans une atmosphère à la fois corrosive, absurde et intensément humaine.

À travers le personnage de Margit, ancienne comédienne de renom tombée dans l’oubli, Carnaval Romain explore la lente déchéance d’une artiste broyée par le système, par ses propres illusions, et par le temps qui passe. La pièce dévoile les compromis, les hypocrisies et les renoncements qui jalonnent les trajectoires de celles et ceux qui ont choisi l’art pour métier ou pour survie. Si Carnaval Romain s’inscrit clairement dans un registre dramatique, il n’en oublie pas pour autant d’user de l’humour, un humour noir, souvent grinçant, parfois absurde. Cet humour, loin de distraire, vient souligner la cruauté du réel et mettre en lumière l’absurdité de certaines situations vécues par Margit et son directeur de théâtre incarné par Chaker Boulemedaïs. 

Entre sarcasme et gravité, la pièce Mouni Boualem vacille habilement entre réalisme et absurde, questionnant la place de l’artiste face à l’autorité, au silence complice, et à la mémoire collective. Ce « carnaval », loin du divertissement, devient celui des masques tombés, des gloires fanées et des vérités qu’on refuse de voir.

Mais c’est surtout l’interprétation magistrale de Raja Houari dans le rôle de Margit qui a capté l’attention. Avec une intensité rare, la comédienne incarne la douleur d’une femme à la fois fière et brisée, combattant l’oubli dans un monde qui n’a plus besoin d’elle. Son jeu, à la fois alerte et profondément incarné donne au personnage une épaisseur bouleversante, mêlant fragilité, colère rentrée et dignité perdue.

Sa performance a d’ailleurs été récompensée lors des 3ᵉ Journées du théâtre arabe de Sétif, où Carnaval Romain s’est imposée en remportant quatre prix majeurs : meilleure actrice pour Raja Houari, meilleure mise en scène, meilleure scénographie et enfin le prix du meilleur spectacle intégré.

Article précédentL’ANP, «rempart imprenable» et pilier de la souveraineté nationale

Laisser une réponse

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici