Je sais
la lune totale
la tristesse au ralenti
des arcs-en-ciel empoisonnés
les visages trahis remplissant les
écrans des nouvelles tournés vers
un ciel de vautours comme s’il y avait
encore d’autre messie à attendre que le
bombardier
l’exil total.
Je sais
les cercueils marchant vers la mosquée
dans une ville où les roses sont arrosées
de gaz
les capitales étrangères qui sont des
abeilles mourantes sécrétant leurs mensonges
et la lune totale
refermant ses griffes sur la tribu
La chaleur torride du premier roi de
Jérusalem – astronaute revenu de la lune qu’il
habita solitaire abandonnant aux murs des cratères
des écritures fermées – est encore collée au
visage de la neige cosmique
buveurs d’urine buveurs de sang buveurs
de pétrole parvenus du napalm nouveaux
riches de la torture Gilgamesh va planter
son épée entre vos yeux
La Cité vêtue de vent
de larmes de rayons ultra-violets
tremble…
La Palestine
mère des nations
est une pestilence
glorifiée avec des tumeurs solaires sur le visage
et des viols répétés dans le ventre
- Jébu, Etel Adnan, 1969

L’artiste Etel Adnan est morte presque centenaire le 12 novembre 21 .
Etel Adnan (en arabe : إيتيل عدنان, ʼītīl ʿadnān), née le 24 février 1925 à Beyrouth est une figure de la scène artistique internationale depuis une dizaine d’années, elle disparaît juste au moment où le Centre Pompidou-Metz la met à l’honneur, au sein de l’exposition « Ecrire, c’est dessiner ».
D’une mère grecque chrétienne et d’un père syrien musulman, elle a grandi en parlant le grec et le turc dans une société arabophone, élevée dans l’école d’un couvent français, la langue française devient la langue d’écriture de ses premiers travaux littéraires. La peintre-poétesse a habité Beyrouth, Paris, Los Angeles… et la baie d’Erquy en Côtes-d’Armor en France .

Ses poèmes utilisent des phrases simples, limpides tout comme ses peintures, pleines de couleurs pleines, lumineuses . Souvent des paysages, une montagne qu’elle épure en triangle, un cercle .… Elle est l’abstraction avec ses carrés, des cercles, ses lignes et ses aplats :
« L’art abstrait c’était l’équivalent à l’expression poétique ; je n’ai pas éprouvé le besoin de me servir des mots, mais plutôt des couleurs et des lignes. Je n’ai pas eu le besoin d’appartenir à une culture orientée vers le langage mais plutôt à une forme ouverte d’expression. »
Le monde de l’art frileux et surtout sensible aux modes du marché a pris son temps pour reconnaitre son talent et ce n’est que depuis une décennie qu’il célèbre la peinture d’Etel Adnan du Guggenheim de New York au Mudam de Luxembourg .
« Ce qui nous fascine tous, c’est combien elle a continuellement mis la poésie au centre de sa vie, témoigne Joana Hadjithomas. Elle a été libre de choisir, de choisir d’être artiste, de choisir sa vie personnelle, ses combats, et cette liberté est enfin célébrée. »
