Samir Toumi né en 1968 à Alger est polytechnicien avec une passion pour les arts et la littérature . Chef d’entreprise il a aussi crée la Baignoire dans la basse Casbah, un lieu qu’il partageait avec les artistes durant des expositions d’art contemporain . Après Alger le cri, aux éditions Barzakh il nous a livré L’effacement (adapté au cinéma par Karim Moussaoui et actuellement sur nos écrans ) roman d’une génération dans sa relation aux pères résistants, héros de la lutte contre le joug colonial, et aujourd’hui Amin, une fiction algérienne toujours aux éditions Barzakh .
Saluons au passage cette collaboration mise en place avec les éditions Elyzad à Tunis qui va permettre qu’on trouve le roman aussi en France en novembre et en Italie avec les éditions Mesogea à la rentrée .
Le livre s’ouvre par quatre vers
« Il pleut sur ma patrie, la mort et la légende
Il suffit d’un épi pour que chantent les blés
Il suffit d’un moment pour que la nuit descende
Et aussi d’un moment pour que le jour soit né »
Le malheur en danger
Et se termine par
Les écrivains n’ont jamais modifié le sens de l’histoire,
L’histoire qui est assez grande dame pour savoir se diriger toute seule .
Le quai aux fleurs ne répond plus
Les deux citations sont du poète algérien Malek Haddad , auteur de référence pour Samir Toumi . Amin, une fiction algérienne parle de cette classe de privilégiés vivant à Alger, prédateurs installés au quartier Moretti,, pour certains plus loin dans des villas de luxe au chemin des ruines ou à la Pérouze quand la nomenclatura « se contente » de Hydra et les pauvres à la Casbah voire en périphérie.
Que peut la littérature pour le monde réel, semble être la question centrale de ce dernier livre de Samir Toumi Amin, une fiction algérienne mais aussi celle du double, thème qui, par ailleurs, taraude souvent les écrivains .
Le genre est celui du roman noir, genre idéal pour évoquer, traduire les problèmes d’une société. La fiction et le réel se mêlent autour d’une intrigue dont le rythme emmène le lecteur au delà de cette dichotomie comme dans cette fresque de Fela Tamzali où les ombres se poursuivent dans une forêt menaçante au milieu de la nuit.

Un pacte digne du Faust de Goethe se noue entre Amin et l’écrivain Djamel B .
Le contrat est passé ? Que l’écrivain révèle l’état de la corruption des élites algériennes corrompues et des puissants corrupteurs cocaïnomanes en la publiant dans un roman.
Là commence le dédoublement de l’auteur, celui d’Amin qui observe, scrute cette bourgeoisie algérienne dans laquelle il vit , sans jugement ni affect et le désir de la dénoncer ou pas quand elle se compromet avec les élites dirigeantes du pays .
L’écrivain la décrit comme un artiste qui peindrait son tableau au couteau . Tous ses personnages, dignes d’un Goya qui aurait renoncé au rouge carmin, évoluent dans ce moment de l’histoire algérienne particulière, où les évènements se précipitent à la fin du quatrième mandat de Bouteflika .
Cependant l’auteur décrit l’écrivain engagé comme un Don Quichotte algérien émouvant et inefficace qui évoluerait parmi les adaptés non éveillés» et les adaptés idéalistes . On l’imagine volontiers trôner avec son cheval sur la place de l’Emir Abdelkader .
Mais Samir Toumi met en garde via son personnage « le roman que j’écris en ce moment, ce n’est qu’une oeuvre de fiction… Je ne suis qu’un humble conteur, pas un journaliste et encore moins un redresseur de torts . »
Cependant c’est un roman sur l’Algérie contemporaine où la violence du réel , celle du pouvoir ne sont pas occultées . Une écriture cinématographique avec une bande son où on écoute Amy Winehouse et Mélodie Nelson de Gainsbourg , où se déroulent des paysages d’Alger, personnage à part entière, avec ses odeurs de jasmin mélées aux embruns, ceux du monts du Djurdjura avec ses villages où l’on déguste les m’semen , les m’takba au miel et autres khafaf .

Les paysannes kabyles y sont enveloppées dans leur fotta (un tablier) rouge et or mais portent aussi sur elles les stigmates de la mondialisation avec leurs sacs à dos pour la cueillette des olives tagués Barbie ou Adidas .
Shoot ! avait dit Samir Toumi à l’une d’entre elles, citadine sur un balcon, appareil photo à la main, à Alger durant les manifestations du Hirak en 2019 .
Ecris ! somme Djamel, comme en son temps Mahmoud Darwich .
Dans ce roman Amin choisit la vie plutôt que le roman dans cette fiction, là où Mustapha Benfodil (autre écrivain algérien brillant de cette génération ) dans Terminus Babel le détruit, le passe au pilori et …
Samir Toumi a publié son roman . Don Quichotte a vaincu Cervantes ?
Ainsi-soit-il !
Don Quichotte n’est pas mort , il sommeille sous un arbre de jasmin où les oiseaux nichés sont empêchés d’atteindre le ciel .
Myriam Kendsi, plasticienne, auteure Les cimetières de l’empire Marsa éditions , Protest painters algériens Marsa éditions