À l’occasion de la deuxième journée du 14e Festival international du théâtre de Béjaïa, le public a eu le privilège de découvrir Daybah, une pièce présentée par l’Institut national des arts de Mauritanie, sur les planches du Théâtre régional Abdelmalek Bouguermouh.
Inspirée du roman de l’écrivain mauritanien Al-Mukhtar Salem, Daybah s’impose comme une œuvre théâtrale ambitieuse et profondément humaine. Adaptée et mise en scène par Saley Abdel Fattah, la pièce propose une traversée intime et collective d’un monde en pleine mutation, où les souvenirs, les luttes sociales et les tensions identitaires s’entrelacent avec force.
Dans une scénographie épurée, mais chargée de symboles, deux comédiens Mourad Mohamed et Mohamed Azziz portent avec intensité les voix de personnages confrontés à l’oubli, à l’injustice et à la violence silencieuse d’une société en transition. Leur jeu nuancé, oscillant entre fragilité émotionnelle et puissance dramatique, a rythmé le spectacle tout au long de la représentation. Au cœur de la pièce, le duo incarne un face-à-face tendu et profondément symbolique.
À travers leurs échanges parfois violents, parfois empreints de silence, les deux protagonistes cherchent désespérément des réponses à leurs douleurs, leurs doutes et leurs rêves inassouvis. Dans un univers teinté d’utopie – où le passé se mêle aux fantasmes d’un avenir meilleur – ils confrontent leurs visions du monde, entre résignation et espoir. Ce dialogue constant, presque philosophique, donne à Daybah une dimension existentielle, où chaque mot devient une tentative de réconcilier l’individu avec son histoire et avec lui-même. Malgré un rythme particulièrement long les silences tout autant que les dialogues donnaient du sens à la quête utopique des protagonistes.
Daybah puise sa force dans un mélange subtil de réalisme cru et de poésie dramatique. La parole scénique devient un lieu de résistance, où s’expriment les non-dits, les blessures et les espoirs d’un peuple. Fidèle à l’esprit de la littérature mauritanienne contemporaine, la pièce questionne avec acuité l’identité, la mémoire collective et la quête de liberté dans un contexte où l’Histoire semble parfois écraser les destins individuels. À travers Daybah, le théâtre mauritanien affirme sa capacité à dialoguer avec les grandes problématiques universelles, tout en restant profondément ancré dans ses réalités culturelles.