La conférence internationale sur les crimes coloniaux en Afrique, tenue dimanche et lundi à Alger, s’est conclue par une série de recommandations regroupées dans la « Déclaration d’Alger », un document qui ambitionne de rétablir la justice et d’affirmer un devoir de mémoire envers les victimes du colonialisme.
Dès ses premiers points, la Déclaration appelle les anciennes puissances coloniales à « assumer pleinement leurs responsabilités historiques », notamment par une reconnaissance publique et explicite des injustices commises. Elle préconise également la création d’archives numériques panafricaines, la révision des programmes éducatifs et l’édification de mémoriaux, musées et journées de commémoration.
Les participants recommandent par ailleurs la mise en place, dans chaque État membre de l’Union africaine, de Commissions nationales de vérité et réparations, ainsi que le renforcement des mécanismes juridiques aux niveaux national, régional et international. L’objectif : promouvoir la criminalisation de la colonisation dans le droit international, faciliter la documentation et la restitution des archives, et garantir la responsabilisation juridique et morale des auteurs de crimes coloniaux.
La Déclaration invite aussi les États, les communautés économiques régionales et les institutions universitaires à élaborer des lois modèles, des projets de conventions et des analyses jurisprudentielles favorisant la reconnaissance et la criminalisation des crimes coloniaux. Dans cette perspective, elle propose la création d’un Comité panafricain de la Mémoire et de la Vérité historique, chargé d’harmoniser les approches, coordonner les centres de recherche africains et produire des analyses destinées au continent.
Les signataires plaident également pour l’élargissement des initiatives de commémoration, qu’il s’agisse de musées, de monuments, de lieux de mémoire, de journées dédiées ou de réformes éducatives. Ils insistent en outre sur la nécessité d’évaluer l’impact écologique et climatique du colonialisme, notamment sur les territoires touchés par les expérimentations nucléaires, chimiques ou industrielles.
Dans ce cadre, ils recommandent la création d’une plateforme africaine de justice environnementale chargée d’identifier les zones affectées, d’évaluer les préjudices et d’accompagner les États dans leurs démarches de réhabilitation et de compensation. Ils appellent également les États historiquement responsables des dommages environnementaux — en particulier les anciennes puissances coloniales — à assumer leur responsabilité morale et politique en soutenant financièrement, technologiquement et institutionnellement les efforts africains d’adaptation et d’atténuation.
Sur le plan éducatif, les participants soulignent l’urgence de réformer les systèmes scolaires africains afin d’y intégrer pleinement l’histoire précoloniale, coloniale et postcoloniale, et de nourrir une conscience historique éclairée chez les jeunes générations. Ils encourageant les universités africaines à créer de nouveaux cursus fondés sur la mémoire, la vérité, la justice historique et le droit aux réparations, ainsi qu’une plateforme dédiée aux chercheurs et étudiants travaillant sur l’histoire du colonialisme.
La Déclaration réaffirme enfin le droit des peuples africains à la restitution inconditionnelle des ressources culturelles — artefacts, manuscrits, archives, objets sacrés et restes ancestraux — spoliées durant la période coloniale.
Concernant l’impact économique de la colonisation, elle préconise la réalisation d’un audit continental pour évaluer les effets économiques du colonialisme et élaborer une stratégie de réparation fondée sur la justice : restitution des richesses pillées, annulation de la dette, et financement équitable du développement. Elle appelle également à une réforme de la gouvernance économique mondiale afin de démanteler les structures héritées du colonialisme au sein des institutions financières internationales.
Les participants demandent en outre une refonte de l’architecture financière internationale, incluant un rééquilibrage du pouvoir décisionnel au FMI, à la Banque mondiale, aux banques régionales de développement et dans les instances économiques mondiales, afin de permettre aux pays africains de définir librement leurs politiques de développement, d’accéder à des financements équitables et de participer pleinement aux décisions structurant l’économie mondiale.
Destinée à devenir une référence continentale dans la codification des crimes coloniaux et l’élaboration d’une stratégie africaine de justice et de réparations, la Déclaration d’Alger sera soumise au Sommet de l’Union africaine de février 2026 pour examen et adoption.










