Un premier convoi d’aide aux zones contrôlées par les groupes armés du Nord-Ouest de la Syrie est entré jeudi depuis la Turquie par le poste-frontière de Bab al-Hawa, au quatrième jour après le séisme qui a fait officiellement plus de 17.500 morts, un bilan qui ne cesse de s’alourdir.
Un correspondant de l’AFP a vu six camions, chargés notamment de matériel pour des tentes et de produits d’entretien, entrer en territoire syrien. Selon Mazen Allouch, un responsable du poste-frontière, il s’agit d’une aide qui était attendue avant le séisme d’une magnitude de 7,8, suivi de plus d’une centaine de secousses qui ont dévasté lundi la Syrie et la Turquie.
Au total, les pertes économiques pourraient atteindre “quatre milliards de dollars ou plus”, selon l’agence de notation Fitch. Le séisme a fait au moins 17.513 morts, selon les derniers bilans officiels, dont 14.351 en Turquie et 3.162 en Syrie. Vingt-trois millions de personnes sont “potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables”, estime l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Elle redoute une crise sanitaire majeure qui causerait encore plus de dommages que le séisme. Les organisations humanitaires s’inquiètent particulièrement de la propagation de l’épidémie de choléra, qui a fait sa réapparition en Syrie.
“Solidarité”
Réunis en sommet à Bruxelles, les dirigeants de l’Union européenne –qui organise début mars une conférence des donateurs pour la Turquie et la Syrie– ont observé un moment de silence pour les victimes du séisme. Ils ont envoyé une lettre à M. Erdogan exprimant leur “solidarité” avec le peuple turc et proposant d’accroître leur aide à la Turquie.
L’UE a envoyé de premiers secours en Turquie quelques heures après le séisme lundi, à la demande de ce pays. Mais elle n’a initialement offert qu’une aide minimale à la Syrie par le biais des programmes humanitaires existants, en raison des sanctions internationales en vigueur depuis le début de la guerre civile en 2011. Mercredi, Damas a officiellement sollicité l’assistance de l’UE et la Commission a demandé aux Etats membres de répondre favorablement à cette requête.
Dans les zones rebelles, le séisme complique l’arrivée d’aide, rendant difficilement praticables les routes d’accès à Bab al-Hawa, unique point de passage actuellement garanti par l’ONU. “Nous devons tout faire pour nous assurer qu’il n’y a aucun obstacle à l’aide vitale qui est nécessaire en Syrie”, a dit à la presse à Genève l’envoyé spécial de l’ONU, Geir Pedersen, confirmant un premier convoi via Bab al-Hawa.
Il a appelé “à ne pas politiser” l’aide à ce pays, ajoutant avoir évoqué le sujet avec des représentants des Etats-Unis et de l’Union européenne: “Ils m’assurent qu’ils feront tout ce qu’ils peuvent pour s’assurer qu’il n’y a aucun obstacle à ce que l’aide vienne en Syrie”.
Deux autres passages
La veille déjà, le coordinateur résident de l’ONU en Syrie, El-Mostafa Benlamlih, avait appelé dans une interview à l’AFP à “mettre la politique de côté” et faciliter l’accès aux régions rebelles. De son côté, la Turquie a annoncé s’employer à ouvrir deux passages frontaliers avec la Syrie pour permettre d’acheminer l’aide.
“Pour des raisons humanitaires, nous visons aussi l’ouverture des postes-frontières avec les régions sous contrôle du gouvernement” de Damas, a dit le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu.
A Genève, Geir Pedersen a précisé à l’AFP que ces points de passage non approuvés par l’ONU seront difficiles à utiliser pour l’organisation “mais les pays membres pourraient éventuellement le faire”. Des milliers d’habitations sont détruites de part et d’autre de la frontière et les secouristes poursuivent leurs efforts pour rechercher des rescapés dans les décombres, même si la fenêtre cruciale des 72 premières heures pour retrouver des survivants s’est refermée.
A Adiyaman, le séisme a piégé dans leur hôtel totalement effondré des adolescents et leurs accompagnateurs, venus de République turque de Chypre du Nord (RTCN, reconnue par la seule Turquie) disputer un tournoi de volley-ball.
Selon Nazim Cavusoglu, ministre chypriote-turc de l’Education venu sur place, un enseignant et trois parents ont été extraits vivants mercredi soir. “Trente-trois personnes sont toujours piégées”, a-t-il confié à l’AFP. Le froid glacial rend les conditions de vie infernales pour les rescapés.
Dans la ville turque de Gaziantep (Sud), les températures ont chuté tôt jeudi à -5°C. Le président turc Recep Tayyip Erdogan, en visite dans les zones sinistrées, a esquissé mercredi un mea culpa face à la montée des critiques: “Bien sûr qu’il y a des lacunes, il est impossible d’être préparé à un désastre pareil”.
Depuis le séisme, les réseaux sociaux turcs sont inondés de messages de personnes qui se plaignent de la lenteur du déploiement des secours et une douzaine de personnes ont été arrêtées pour des publications critiquant le gouvernement.
L’accès à Twitter a été bloqué pendant une douzaine d’heures sur les principaux fournisseurs de téléphonie mobile du pays avant d’être rétabli jeudi.
Les responsables turcs ont ces dernière semaines émis à plusieurs reprises des mises en garde sur l’usage des réseaux sociaux avant les élections présidentielle et législatives du 14 mai, où M. Erdogan brigue un nouveau mandat après 20 ans au pouvoir.