Du 4 au 10 décembre 2025, Alger se métamorphose en un vaste palimpseste cinématographique, où les ombres projetées sur l’écran deviennent les reflets d’une mémoire collective en effervescence.
La douzième édition du Festival international du film d’Alger (AIFF), placée sous l’égide tutélaire du ministère de la Culture et des Arts, invite Cuba en tant qu’invité d’honneur – terre de révolutions et de rythmes intemporels – pour tisser un dialogue fraternel entre les Suds du monde.
Cent une œuvres, dont cinquante en lice pour les lauriers et cinquante et une en hors-compétition, déferleront dans cinq sanctuaires de l’image : les écrans vibrants d’Ibn Zeydoun, de Cosmos Bêta, de la Cinémathèque, du Théâtre municipal d’Alger (ex-Casino) et d’El Djazaïria.
Ces lieux, gardiennes séculaires de l’art, résonneront des échos d’une vitalité créative qui transcende les frontières, affirmant l’AIFF comme un phare pour les cinémas du Sud, une agora où les voix audacieuses percent les silences imposés par l’Histoire.
Une symphonie visuelle : programmation et espaces d’inspiration
Mehdi Benaissa, commissaire du festival, a dévoilé, lors d’une conférence de presse ce samedi 29 novembre au TNA, les contours d’un événement qui pulse au rythme des imaginaires mouvants. Au-delà des projections principales, d’autres arènes culturelles s’animeront : le Ciné Lab au Petit Théâtre de l’Office Riadh El Feth, où master classes, panels et ateliers forgeront les armes de demain ; l’AIFF Souk à la Galerie Asma, un bazar d’idées où les projets cinématographiques troquent leurs rêves contre des alliances ; l’atelier d’écriture de scénario au Centre Culturel Larbi Ben M’hidi, sanctuaire de la parole naissante ; et la formation des formateurs à la salle de la Cinémathèque, transmission alchimique du savoir-faire.
L’espace presse, quant à lui, niché dans la salle Frantz Fanon de l’Office Riadh El Feth, deviendra un observatoire vigilant, où les plumes affûtées dissèqueront les visions qui nous hantent. Dans cette douzième incarnation, l’AIFF consolide son rôle d’espace privilégié pour les cinémas du Sud, réaffirmant sa vocation de plateforme célébrant les voix audacieuses et les expériences créatives.
Sur les trois mille trois cents films reçus de cent dix-sept pays – un flux torrentiel de récits issus de trois cent cinquante-deux longs métrages, deux mille sept cent vingt-quatre courts et trois cent cinquante-deux documentaires –, la sélection officielle 2025 dessine un paysage foisonnant : un cinéma qui parle au monde en un langage universel, vibrant d’une sensibilité humaine ancrée dans le réel et ouverte sur l’infini. Thématiques fortes – mémoire collective, identités mouvantes, luttes et imaginaires du Sud global – irriguent cette programmation, transformant chaque projection en un acte de communion poétique.
La Compétition : Un théâtre des luttes et des révélations
Au cœur de l’arène, cinquante films en compétition : seize longs métrages, quatorze documentaires et vingt courts métrages, récompensés dans ces trois catégories par des prix qui couronnent l’essence même de l’art cinématographique. Une nouveauté audacieuse émerge cette année : une compétition technique, horizon élargi pour la créativité artistique, où l’innovation formelle devient vecteur de subversion esthétique.
Dans la veine des longs métrages, aux côtés d’œuvres algériennes ardentes, s’inviteront des visions venues de Palestine, d’Égypte, de Tunisie, d’Irak, de Somalie, d’Argentine, de Turquie, du Kazakhstan et de Russie – un kaléidoscope de résistances et de rêves nomades. Les lauriers convoités ? Le Grand Prix, le Prix du Jury, le Prix du Public, le Prix de l’Innovation Technique, et une Mention Spéciale au gré de l’intuition des jurys, ces gardiens éclairés de l’image.
Hors compétition, une section inédite, Films de Connaissance et de Sciences, s’ouvre comme une fenêtre cosmique sur le cinéma contemporain, enrichissant le panorama d’une dimension érudite et inspirante. Le Ciné Lab, quant à lui, déploie ses voiles avec des master classes, panels et ateliers, et inaugure, pour la première fois, l’AIFF Market – un marché national du film ambitieux, semence d’extensions internationales futures.
Ce carrefour dynamique réunit professionnels, porteurs de projets et mécènes, forgeant des liens indissolubles et entrouvrant des horizons pour les opportunités créatives, où le cinéma n’est plus seulement spectacle, mais écosystème vivant.
Ouverture et clôture : les portes d’un voyage émotionnel
L’ouverture, tel un appel aux ancêtres, s’illuminera avec Ghaouassou Essahra (Les Plongeurs du désert) de Tahar Hannache, joyau restauré de 1952, plus ancienne fiction conservée dans les annales du cinéma algérien.
Tourné à Tolga (Biskra), ce muet poignant narre, sans un mot superflu, l’épopée de deux « plongeurs du désert » – Himoud Brahimi en Cheikh Ali et Djamel Chanderli en son fils Mansour –, ces artisans du sol qui déterrent les puits ensevelis sous le sable et la boue, métaphore viscérale de la résilience face à l’oubli.
Pour la clôture, un uppercut émotionnel : La Voix de Hind Rajab de la Tunisienne Kaouther Ben Hania, sortie il y a quelques jours en Europe, relate avec une urgence poignante les tourments d’une enfant de cinq ans sous les bombardements israéliens à Ghaza, tentant de joindre le Croissant-Rouge palestinien. Une œuvre choc qui transforme le silence en cri universel, rappelant que le cinéma, dans sa plus haute vocation, est un témoignage incandescent contre l’injustice.
Hommages : constellations d’une mémoire vivante
Cette édition rendra hommage à huit figures stellaires du cinéma et de l’écriture, constellations guidant les navigateurs de l’image. Parmi elles, Baya Bouzar, dite Biyouna, disparue le 25 novembre dernier, icône dont la voix rauque et le rire libérateur hantent encore les ruelles d’Alger ; et Mohamed Sghir Hadj Smaïn, comédien de théâtre et acteur, emporté en 2021, pilier discret de la scène nationale. Vivantes et combatives, les autres lauréats : Salah Aougrout, maître des récits intérieurs ; Tewfik Farès, explorateur des abysses historiques ; Elaine Mokhtefi, militante et autrice algéro-américaine, plume acérée de l’exil ; Hanna Atallah, fondateur de Filmlab Palestine, semeur de cinémas en terre aride ; et Monica Maurer, née à Munich, ardente défenseure de la cause palestinienne, dont l’engagement transcende les océans.
Ces hommages ne sont pas de vains rituels : ils sont des ponts tendus vers l’avenir, des flambeaux allumés pour éclairer les sentiers des jeunes créateurs.
Un compagnon numérique : L’application, « carte au trésor »
Enfin, pour guider les pèlerins de l’image, le commissariat déploie une application mobile – boussole numérique offrant le programme exhaustif du festival, des cartes interactives et des alertes poétiques. Dans un Alger réinventée en agora cinématographique, un « Super Ciné-Club à ciel ouvert », l’AIFF 2025 n’est pas simple festival : c’est une révolution sensorielle, où les films deviennent les fils invisibles reliant les âmes dispersées.
Ici, le septième art affranchit, illumine et unit, rappelant que dans l’obscurité de la salle, naît la lumière d’un monde réconcilié.Alger, décembre 2025 : la ville regarde, et le regard change le monde.










