Les artistes qui participent à la résidence musicale OneBeat Sahara, à Taghit, sont allés à la découverte, mercredi 2 mars, de Kenadsa et de son célèbre style musical El Ferda.
Dans une kheima, à côté du vieux ksar de Kenadsa, à 22 km au nord-ouest de Béchar, plusieurs artistes se sont réunis, après avoir goûté au couscous local et au thé parfumé à la menthe, pour écouter le groupe El Ferda, mené par Larbi Besmati au luth et au chant, accompagné par Hocine Zaidi au banjo, hassan Gourzi au violon, Bouhazma Touhami au soussan (petit gumbri), Lakhdar Hamidi aux percussions et Farouk au synthé. Ils ont interprété trois célèbres chansons d’El Ferda : “Ya krim el korama”, “Nefsi fi nefsi” et “Sidi Ben Bouziane”.
Hocine Zaïdi a expliqué que le groupe El Ferda est né dans le vieux quartier de Kenadsa. La ville s’appelait dans les anciens temps “Laouina” العوينة du nom d’un source qui irrigue l’oasis à côté du ksar à partir de la montagne rocheuse plus au sud. “Au début, les instruments à cordes n’étaient pas utilisés pour jouer la ferda.
Par le passé, ce chant était interprété après le repas dans une fête de mariage. La Gas’a (jatte) en bois était renversée couverte par une peau de mouton pour être transformée en un instrument de percussion. On frappait avec une paire de savates pour faire sortir de sons. Petit à petit, on introduit les instruments avec l’oud, ensuite le soussan, le pilon (el mahraz), le violon, etc”, a expliqué Hocine Zaïdi.
El Ferda, musique d’essence spirituelle
La musique a évolué, selon lui, avec le développement de Kenadsa, une ancienne ville minière. “Avec la découverte des mines de charbon (vers 1907), des ouvriers sont venus de partout pour y travailler, y compris du Maroc, de l’Afrique sub-saharienne et d’Europe. Une communauté juive vivait ici. Tous ceux qui sont venus ont ramené des instruments avec eux. C’est de cette manière que les instruments étaient introduits dans la pratique musicale de la ferda”, a détaillé Hocine Zaïdi.
Musique d’essence spirituelle, la Ferda s’appuie sur des paroles soufies et de la poésie populaire (a’achaki) partagé avec d’autres sytles comme le chaabi, le hawzi, le malouf et le melhoun. La chanson “Sidi Ben Bouziane” évoque le fondateur de la zaouia Ziania à Kenadasa Sidi Mhammed Ben Bouziane, saint patron de la ville, venant de Taghit. “Dans le passé, les poètes venaient à la Zaouia avec des textes louant les qualités de l’homme religieux Ben Bouziane. El Ferda est la musique populaire traditionnelle de Kenadsa”, a rappelé Hocine Zaîdi.
Le groupe El Ferda se base dans son travail musical sur l’héritage diwan en introduisant parfois le gumbri, le Tbal et les karkabous (crotales), et parfois melhoun et tarab.
“Roufi ya El Gh’zal Fatma” chanté en jam session
“Nous pouvons dire que nous avons fait connaître la musique El Ferda en dehors de Kenadsa. Il fallait faire des petits rajouts pour que le public peu habitué à ce chant puisse s’adapter. Par exemple, les rythmes et les mélodies sont plus légers. Nous ajoutons parfois le synthé pour avoir les basses. Cela a suscité de l’intérêt auprès du public pour mieux découvrir la ferda authentique”, a expliqué Hocine Zaïdi.
Deux artistes marocains participants à la résidence OneBeat Sahara, Hind El Naira, au gumbri, et Aziz Azziz, au violon, et le chanteur et musicien algérien chaabi Karim Bouras, présent dans le même cadre, se sont joints au groupe El Ferda pour interpréter ensemble la célèbre chanson ” Roufi ya El Gh’zal Fatma” (روفي يا لغزال فاطمة). Cette chanson, écrite par le poète marocain Idriss Ben Ali Sennani, est interprétée au Maghreb sous plusieurs formes, dont le Châabi et le Hawzi en Algérie. Il y a une version jazz chantée par la marocaine Nabila Maan.
A la rencontre des Djebariat de Béchar
Le groupe d’artistes, accompagné par des ingénieurs son américains, a retrouvé ensuite à la Maison de la culture de Béchar, l’ensemble féminin des Djebariat, appuyé par une Association qui s’intéresse à la revivification du patrimoine culturel et touristique de la région de la Saoura. L’ensemble a interprété des chansons du genre zefani, ahdous, ferda, hadra, diwane et rai.
Les artistes ont animé ensuite des jam sessions avec les percussionnistes et les chanteuses Djebariat dans une ambiance festive et inédite où la guitare électrique rencontre le bendir. L’une des règles de la résidence artistique OneBeat Sahara, organisée par l’ambassade des Etats Unis à Alger et le ministère de la Culture et des Arts, est que les artistes participants jouent avec les troupes et les musiciens locaux. La résidence artistique OneBeat Sahara se déroule, pour rappel, à Taghit, à une centaine de kilomètres de Béchar, depuis le 24 février, et se poursuivra, à partir du 7 mars, à Alger, jusqu’au 13 du même mois.