Festival du Théâtre de Béjaïa : «Zangs Yinde ou le refus de la honte», un cri de dignité venu du Burkina Faso

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Festival du Théâtre de Béjaïa : «Zangs Yinde ou le refus de la honte», un cri de dignité venu du Burkina Faso

La scène s’ouvre sur un décor familier et chaleureux : un café, des tables occupées par des clients en pleine discussion, d’autres concentrés sur une partie de cartes, tandis que certains ont les yeux rivés sur un match de football diffusé sur grand écran. L’ambiance est détendue, rythmée par une belle musique africaine. Spontanément, des clients se lèvent et se mettent à danser, emportés par la joie du moment.

Mais cette légèreté est brutalement interrompue par l’irruption d’une femme, visiblement marquée par la vie. Elle n’a qu’un bras. Sans détour, elle coupe la musique et interpelle la salle, brisant le murmure des conversations. D’une voix ferme, elle entame le récit de sa vie – une vie brisée par la violence, mais reconstruite par le courage.

C’est ainsi que débute « Zangs Yinde ou le refus de la honte », une pièce puissante mise en scène par Paul Zoungrana, et présentée au Théâtre de Béjaïa dans le cadre du Festival international du Théâtre de Béjaïa, par l’Institut de recherche théâtrale du Burkina.

La protagoniste est une femme déplacée interne, rescapée des attaques terroristes qui endeuillent le Burkina Faso. Elle a perdu un bras, mais pas sa fierté. Refusant la mendicité, elle choisit de se battre pour vivre dignement, incarnant une forme rare de résilience. À travers son histoire personnelle, c’est aussi celle de tout un peuple qu’elle raconte un peuple éprouvé, mais debout.

Sa parole, forte et poignante, résonne comme un appel. Elle s’adresse surtout aux jeunes, pour les sortir de l’indifférence, les confronter au courage des survivants, des martyrs, et les inviter à s’engager contre l’extrémisme, la violence et l’oubli.

La pièce mêle théâtre, musique, témoignages et projections. Elle met à l’honneur les cultures locales, les langues nationales et rend hommage aux sacrifices des martyrs tombés sous les coups du terrorisme.

Jouée presque entièrement en langue mooré, la plus parlée du Burkina Faso, la pièce est accompagnée d’une traduction projetée sur écran, permettant à un large public de suivre et de s’imprégner de la richesse linguistique et culturelle du pays.

Le spectacle n’est pas qu’un simple récit. C’est une expérience vivante, une interpellation citoyenne qui interroge le rôle de chacun dans la reconstruction d’un pays meurtri. Il ne s’agit pas seulement de compatir, mais de réfléchir, de débattre, de s’indigner, et surtout, de s’engager.

Au centre de tout, cette femme : amputée, mais entière. Victime, mais jamais soumise. Elle incarne ce que le titre de la pièce évoque : le refus de la honte. Honte d’être assistée, honte d’être perçue comme une charge. Elle veut travailler, gagner sa vie, contribuer à la société. Son message est clair : la dignité ne se mendie pas, elle se conquiert.

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