Jamais un roman algérien n’avait suscité une telle controverse avant même qu’on puisse le lire. L’écrivaine Inaâm Bayoudh était loin d’imaginer cette vive polémique qu’allait susciter son roman « Houaria », publié aux Éditions MIM et récompensé par le Grand Prix Assia Djebar 2024 du roman en langue arabe le 9 juillet dernier. Depuis quelques jours, le roman a enflammé les réseaux sociaux, provoquant une levée de boucliers sans égal.
Les critiques de l’œuvre pointent du doigt l’utilisation de termes grossiers en darija et poussent la critique jusqu’à dire que le roman porte atteinte à la ville d’Oran et à ses femmes! Les réactions en ligne sont virulentes, certains allant jusqu’à exiger le retrait du prix Assia Djebar et l’interdiction du livre en librairie. Un livre, faut-il le préciser en vente depuis l’automne dernier puisqu’il faisait partie des nouveautés au salon du livre 2023.
Cette pression grandissante a poussé l’éditrice, Assia Ali Moussa, directrice de la maison d’édition MIM à annoncer via sa page Facebook, la fermeture de son entreprise. “Nous n’étions que des défenseurs de la paix et de l’amour et nous ne cherchions qu’à diffuser cela”. Ceci n’a pas calmé la polémique. Les critiques se sont multiplié visant l’auteure. Celle-ci est toutefois soutenue par de nombreux de nombreux intellectuels.
Solidarité des Intellectuels
Des intellectuels, écrivains, et éditeurs ont rapidement exprimé leur solidarité avec Inaâm Bayoudh. Kitouni Hosni, Hmida Layachi, Nacer Djabi, Lazhari Labter, Amar Ingrachen, ont tous critiqué cette levée de boucliers contre un roman et dénonçant ces véléités moralistes et ces tentatives de réprimer la création littéraire et la liberté d’expression.
Djawad Rostom Touati, membre du jury du Grand Prix Assia Djebar, a défendu le roman en soulignant son réalisme et la justesse des dialogues en dialecte oranais, qualifiant la controverse de réaction exagérée. “”Houaria”, d’Inâam Beyoudh, est l’un des romans les plus beaux et captivants qu’il m’eût été donné de lire, toutes langues confondues. Un roman polyphonique, où les voix des personnages tissent, par touches successives, la trame de ces destins savamment entrecroisés par l’auteure, qui recourt à un narrateur omniscient pour combler les quelques “blancs” que ne peuvent peindre les personnages, et nous plonger dans l’existence de ces couches marginalisées qui ont subi de plein fouet la décennie noire.”
Motion de Soutien
Des écrivains ont lancé une motion de soutien à Inaâm Bayoudh pour contrer les voix qui appellent au retrait du prix à l’écrivaine et condamnant les attaques et défendant la liberté de créer. Parmi les signataires figurent des figures littéraires et intellectuelles comme Waciny Laradj, Arezki Metref, Mourad Preure, H’mida Ayachi, Amin Zaoui, Maïssa Bey, Lazhari Labter, Nacer Djabi et Sofia Djama. Ils affirment leur solidarité totale avec l’auteure, son éditrice et les membres du jury.
Cette solidarité souligne l’importance de défendre la liberté d’expression et de création face aux attaques moralistes et conservatrices, et souligne le soutien de la communauté intellectuelle à Inaâm Bayoudh dans cette épreuve.