Karim Bouras, chanteur chaâbi :  “La fusion permet d’avancer en matière de création musicale”

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Karim Bouras, chanteur chaâbi :  
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L’algérien Karim Bouras, musicien et chanteur chaâbi, sera, ce vendredi 11 mars, à partir de 19 h, sur scène à l’Opéra d’Alger Boualem Bessaih pour le deuxième concert public des artistes participant à la résidence “OneBeat Sahara”. Une résidence organisée en deux sessions depuis le 24 février, à Taghit et à Alger, par l’ambassade des Etats Unis à Alger et le ministère de la Culture et des Arts. Des artistes venus de huit pays ont été réunis pour composer et écrire des chansons et des morceaux de musique ensemble.  


24H Algérie: Le mot clef de la résidence artistique “OneBeat Sahara” est “Afrique”. Qu’en pensez-vous ?


Le premier jour de notre arrivée à Taghit (24 février 2022). Les artistes ont commencé à chanter ensemble. Et tout le monde s’est rendu compte que nous avons tous l’Afrique en partage. Le chanteur américain Haile Supreme m’a dit après une soirée gnawa (diwane) que cela lui rappelait ses origines éthiopiennes. “”I’m proud to be african ” (je suis fier d’être africain”, m’a-t-il dit.


Quel est la place du chaâbi, de la musique algérienne en général, dans la musique africaine ?


Karim Bouras: Le chaâbi a surtout des influences méditerranéennes plus qu’africaines. Il y a des sonorités du sud de l’Italie et de la Grèce. La mandole et la mandoline sont des instruments méditerranéens. Le banjo, qui est un instrument américain, est présent dans le chaâbi. Or, le guembri, instrument africain, est l’ancêtre du banjo. Du bois, une corde et une peau. C’est le même principe. Hadj M’Hamed El Anka a vulgarisé le banjo dans la musique chaâbie.


Est-il possible de fusionner la musique chaâbie avec les autres styles musicaux ?


Karim Bouras: Vous savez bien que je n’ai pas commencé hier la fusion pour le chaabi. Mes premiers morceaux enregistrés, c’était de la fusion. Si je reprends une chanson d’Amaz Zahi ou d’El Anka de la même manière qu’eux mêmes l’ont interprétée, autant me taire et écouter ce qu’ils chantaient. Je ne pourrai jamais chanter comme Zahi ou El Anka. Je fais de la fusion en essayant de colorier la musique chaabie. Il est important d’éviter la monotonie de chanter tous de la même manière. La fusion permet d’avancer en matière de création musicale. Toutes les musiques populaires du monde se sont développées.


Par exemple ?


Karim Bouras: En Espagne, le flamenco est une musique traditionnelle comme le chaâbi algérien. Paco De Lucia (guitariste décédé en 2014) a révolutionné le flamenco. Les conservateurs espagnols ont adopté Paco alors qu’en Algérie dès qu’il question de fusion, on est rejeté ( par “les puristes”).


Si je n’avais pas cet esprit de musicien de fusion, je n’aurais jamais réussi à composer un morceau avec les artistes étrangers (morceau joué sur scène lors du concert du 5 mars 2022 à Taghit). Dans le futur, nous allons encore travailler sur la musique chaabie pour la fusionner avec d’autres styles pour que les gens comprennent que la musique, c’est sept notes et un rythme. Rien n’est imposé.


Quel est le style le plus proche du chaâbi avec qui la fusion peut se faire facilement…


Karim Bouras: Personnellement, j’ai fait du chaâbi classique. J’ai formé un orchestre avec des violonistes, des violonistes, des contrebassistes, des guitaristes, des joueurs de banjo, d’accordéon, de batterie et d’autres .


En 2017, nous avons fait un concert de 28 minutes, à la salle Ibn Zeydoun (Office Riad El Feth à Alger), durant lequel nous avons “passé en revue” plusieurs styles musicaux. Nous avons commencé avec une valse avec une nuance arabisée, enchaîné avec de la salsa, de la funk, du rock…bref, un enchaînement de styles musicaux. Chaque titre avait une couleur différente. C’était un vrai voyage musical.


Qu’en est-il de la chanson que vous avez interprétée ici à Taghit lors du concert du 5 mars ?


Karim Bouras: En fait, j’ai écrit une chanson sur la ville touristique de Taghit, sur ses habitants. On nous a mis en défi de composer des chansons orginales durant cette résidence de “OneBeat Sahara”. Nous n’avons pas le droit de reprendre des chansons anciennes, connues. Nous avons donc joué un morceau traditionnel, un insiraf.


La chanson a été interprétée sur le mode moual. Le percussionniste américain (Ignabu) a eu beaucoup de peine à s’adapter à ce rythme (sur batterie). Un rythme compliqué. Il a finalement appris.  Le batteur algérien Karim Ziad a aidé Ignabu à bien maîtriser le rythme. Il a appuyé l’ensemble dans la composition. Karim Ziad et Chakib Bouzidi (directeur artistique de OneBeat Sahara) nous ont bien coachés et soutenus.


Les Américains ont-ils une idée sur les rythmes algériens ?


Karim Bouras: Les artistes américains utilisent le 6/8 dans le rythme, comme celui du berouali algérien. Ils ont également les 2/4 et les 4/4 que nous connaissons en Algérie. Ils ont des rythmes similaires comme le 5/4. Le problème n’est pas lié au rythme en lui-même, mais sur sa place. Chez nous, le 6/8 débute avec un ton faible, en Tunisie avec un ton fort. Donc, le rythme est le même, mais la nuance est différente. Le batteur américain a appris avec nous où poser le rythme.


Faut-il multiplier ce genre de résidences artistiques comme “OneBeat Sahara” en Algérie ?


Karim Bouras: On est déjà très en retard. C’est une initiative très enrichissante. Personnellement, j’ai appris de nouveaux styles. J’ai proposé aux artistes algériens qui participent à la résidence “OneBeat Sahara” et qui ont acquis cette expérience de coacher et de soutenir de jeunes intéressés par la musique. Sur le plan musical, nous ne sommes pas nuls.


La preuve est que nous avons réussi à travailler avec des artistes américains qui viennent des quartiers du jazz et du blues (New York, Baltimore, etc). Aussi, pouvons-nous apporter un plus aux jeunes artistes algériens.

Pourquoi pas ! Nous pouvons organiser des résidences entre artistes algériens, réunir des artistes de toutes les régions du pays et les pousser à créer ensemble. Le musicien est celui qui est capable de créer et d’improviser dans un environnement qu’il ne connaît pas. C’est là que l’artiste se développe. Nous sommes donc prêts à aider des artistes plus jeunes que nous.

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