Le film “Parasite” du réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho est entré dimanche dans la légende des Oscars en devenant le premier long-métrage en langue étrangère à obtenir le prix du “meilleur film”, récompense phare d’Hollywood.
“Ça semble complètement surréaliste. J’ai l’impression qu’on va me frapper et que je vais me réveiller”, a lancé le réalisateur via une interprète, avant d’ajouter, en anglais cette fois-ci: “C’est vraiment foutrement dingue!”
Applaudi par le gratin de l’industrie du cinéma réuni pour cette 92e édition, “Parasite” a déjoué de façon fracassante les pronostics qui voyaient un couronnement pour “1917”, du Britannique Sam Mendes.
Signe de l’engouement des professionnels, le film a aussi reçu l’Oscar du meilleur scénario original, tandis que Bong Joon-ho a été sacré “meilleur réalisateur”.
Mélange de thriller, de comédie familiale déjantée et de satire sur les inégalités sociales, il a également été primé dans la catégorie du “meilleur film international”, auparavant baptisée “meilleur film en langue étrangère”.
En recevant son Golden Globe le mois dernier, Bong Joon-ho avait lancé avec humour aux professionnels réunis pour l’occasion: “Quand vous aurez surmonté la barrière des deux centimètres de sous-titres, vous découvrirez des films étonnants”.
Dimanche soir, il a reconnu que les choses étaient déjà en train de changer, grâce aux plateformes de streaming et à Youtube notamment: “Je pense que nous allons naturellement arriver au jour où le fait qu’un film soit en langue étrangère n’aura plus vraiment d’importance”.
L’Académie des Oscars, vivement critiquée pour le manque de diversité dans ses choix, avait manifestement entendu le réalisateur sud-coréen, déjà récompensé par la Palme d’or au festival de Cannes l’an dernier.
Pas de grand soir pour “1917
Donné comme le grand favori de cette 92e édition, “1917”, film sur l’équipée de deux jeunes soldats dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, construit comme un plan séquence long de deux heures, doit se contenter de trois prix: l’Oscar de la meilleure photographie pour Roger Deakins, et deux autres dans des catégories techniques (son et effets spéciaux).
Vive déception également pour le très respecté Martin Scorsese dont le thriller politico-mafieux produit par Netflix, “The Irishman”, repart bredouille malgré dix nominations, parmi lesquelles Al Pacino et Joe Pesci, sans oublier le réalisateur lui-même.
Martin Scorsese a tout de même reçu un hommage appuyé et émouvant de Bong Joon-ho, rappelant comment il avait “étudié ses films à l’école”.
Maigre moisson enfin pour Quentin Tarantino – lui aussi chaleureusement salué par Bong – qui jouait pourtant à domicile avec “Once Upon a Time… in Hollywood”, ode à son enfance à Los Angeles et au cinéma. Le film repart avec seulement deux Oscars au total, dont un à Brad Pitt en tant que second rôle aux côtés de Leonardo DiCaprio.
Si “Parasite” a créé la surprise, l’Académie a privilégié les grands favoris du côté des comédiens.
C’est Joaquin Phoenix qui a été désigné meilleur acteur pour son rôle choc de “Joker” sombrant dans la folie et le meurtre, tandis que Renée Zellweger a reçu comme prévu la statuette dorée dans la catégorie meilleure actrice pour son incarnation de Judy Garland dans “Judy”.
Très ému, Joaquin Phoenix, végétarien et militant écologiste de longue date, a une nouvelle fois consacré une partie de son discours à regretter une “vision du monde égocentrique” qui aboutit à la destruction de l’environnement.
Plus prosaïque mais tout aussi larmoyante, Renée Zellweger a quant à elle dédié sa statuette à Judy Garland qui “n’a jamais reçu cet honneur de son vivant”.
L’Américaine Laura Dern a enfin été primée pour son rôle d’avocate impitoyable dans le divorce tumultueux mis en scène par “Marriage Story”, le cadeau rêvé à la veille de son 53e anniversaire
La diversité en question
Le triomphe de “Parasite” fera peut-être oublier les vives critiques adressées à l’Académie des Oscars pour le manque de diversité ethnique et culturelle dans sa sélection, un reproche récurrent.
La cérémonie s’était ainsi ouverte avec un numéro mené par la chanteuse noire Janelle Monae, iconoclaste assumée qui a souligné les absences criantes du millésime 2020: hormis la Britannique Cynthia Erivo (“Harriet”), tous les acteurs et actrices en lice cette année étaient blancs et aucune femme n’a été retenue chez les réalisateurs.
Pour protester à sa manière, la star oscarisée Natalie Portman avait fait broder sur sa cape le nom d’une demi-douzaine de réalisatrices qui ont selon elle été injustement snobées cette année.
Pour sa défense, l’Académie des arts et sciences du cinéma a souligné que les 8.500 membres appelés à voter cette année n’avaient jamais fait la part aussi belle aux femmes dans les nominations: 65 sur 209 candidats au total.
Dans la catégorie du meilleur film d’animation, c’est le quatrième et dernier épisode de “Toy Story”, favori des pronostics, qui l’a emporté, s’imposant notamment face au candidat français “J’ai perdu mon corps”.
La cérémonie des Oscars a aussi été l’occasion pour le gratin d’Hollywood l’occasion de saluer la mémoire de Kirk Douglas, un des derniers monstres sacrés de l’âge d’or du cinéma, décédé mercredi à l’âge de 103 ans, et la légende du basket Kobe Bryant, décédée fin janvier avec sa fille et sept autres personnes dans un accident d’hélicoptère près de Los Angeles.
Par AFP.