Saïd Zakaria, metteur en scène”A mon avis, il faut introduire le théâtre au niveau de l’école primaire”

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Saïd Zakaria, metteur en scène
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La troupe Esseda du Club scientifique culturel Omniscience de l’université Abdelhamid Benbadis de Mostaganem a présenté, jeudi 18 avril 2024, la prièce “Ma kabla al mashrah” (Avant théâtre) au Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, à la faveur du 14ème Festival national du théâtre universitaire qui se déroule jusqu’au 23 avril 2024. La pièce est mise en scène par le jeune Saïd Zakaria d’après le texte de Ould Abderrahmane Kaki. Neuf comédiens jouent dans trois tableaux différents. Ils sont accompagnés d’une musique jouée en live par un orchestre dirigé par Nazim Benoukh. Saïd Zakaria a été formé au théâtre dans la troupe El Ichara de Mostaganem. En décembre 2023, Il a participé au 13ème Festival culturel local du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès avec la pièce “Plasma”.   Rencontre avec le metteur en scène qui est étudiant à la faculté des arts de Mostaganem.


24H Algérie: Pourquoi le choix du texte “Avant théâtre”, quelque peu compliqué, pour une participation au Festival national du théâtre universitaire ?


Saïd Zakaria: Ould Abderrahmane Kaki, dans les années 1950, s’est basé sur l’Actors studio (les comédiens travaillent ensemble pour se développer et discuter du texte, une méthode reprise des principes de Constantin Stanislavski) dans le travail avec sa troupe. Il voulait que les comédiens travaillent dans un atelier, une formation. Kaki donnait la liberté totale au comédien pour qu’il fasse appel à son imagination pour pouvoir interpréter correctement son rôle.


C’est ce que vous avez voulu faire dans la pièce “Avant théâtre”. Vos comédiens sont partagés entre trois tableaux, doivent faire appel au langage physique, ont recours au texte parlé que rarement, au mouvement scénique rythmé…


Oui, il y a trois tableaux, trois actes. Le premier est celui du “filet” (un filet accroché à l’avant-scène, les comédiens évoluant derrière cherchaient à s’en libérer), le deuxième est celui du “voyage” et le troisième sur “La cabane”. Je n’ai pas changé beaucoup le premier tableau. J’ai introduit le personnage du bébé pour suggérer l’idée de l’espoir. Le bébé meurt malheureusement.


Pas d’espoir ?

Non. Un autre personnage est venu pour proposer l’idée de la délivrance et de l’espoir. Il fallait lui faire confiance. De nos jours, on ne fait confiance à presque personne. Ce personnage a tenté de changer la mentalité du groupe en proposant l’idée de l’entraide. Il a proposé de donner une pomme à celui qui la mérite et d’éviter le conflit sur des choses insignifiantes. Ce personnage positif appelle au rassemblement et à l’harmonie du groupe. D’où l’idée d’un filet tiré par tous les membres du groupe sur scène. Une manière de suggérer la solidarité et l’entente. Le filet représente les formes de colonialisme.


Et le tableau du filet est muet

Muet avec un seul mot “Echa’al” (il a brûlé) ! Vous aurez remarqué que ceux qui cousaient le filet étaient des harkis, ceux qui avaient vendu leurs âmes aux colonisateurs. Il fallait que le groupe prenne ces harkis en bateau et ne les laissent pas derrière eux. En mer, le poisson est tombé du ciel (une métaphore). Une vraie chance pour le groupe qui malgré cela a retrouvé les mauvais réflexes. Les membres se sont disputés pour des futilités. Dans ce conflit, ils ont décidé de s’en prendre au filet.


D’où la chorégraphie

Oui, une chorégraphie conçue par Abdelwahab Tarek. C’est une danse-plaidoyer pour la réunion et pour la fédération des efforts aux fins de faire tomber le filet.


Qu’en est-il du deuxième tableau ?

Le tableau “Le voyage” évoque l’histoire d’un grand philosophe qui est artiste peintre. Il a subi des persécutions durant la période coloniale. En prison, il cherchait son identité en dessinant à chaque fois des toiles. Quand il est rattrapé par la mort, il reprend une seconde vie, une autre chance. Son domestique, qui était avec lui, apprenait à être dur. Le peintre le conseillait d’adapter la posture de la dureté pour se protéger. Le domestique a continué les travaux de son maître. Nous avons profité pour rendre un petit hommage à la Palestine dans le spectacle.


La Cabane est le titre du troisième tableau….

Je me suis entendu avec le scénographe Abdelaziz Medjahed pour adopter la carlingue d’un avion qui a crashé comme un abri (pour représenter la cabane). Les personnages représentaient les âmes des passagers ayant péri dans le crash.


Vous- avez brisé le quatrième mur dans cette scène (les comédiens entraient sur scène à partir de la salle en chantant). Pourquoi ?

En étudiant le texte de Kaki, j’ai trouvé que le filet symbolisait le colonialisme intellectuel qu’on peut se créer soit même. On s’impose bêtement des frontières. Cela peut être un colonialisme imposé d’extérieur. J’ai senti aussi que le filet était une muraille dressée entre le spectacle et le public. Une muraillle qui disparait avec la tombée du rideau. Et donc les comédiens pouvaient être libres de mouvement.


Dans ce tableau, il est question de recherche d’or et d’eau…

Ils cherchaient tous de l’or par avidité. Le personnage de l’américain (qui s’exprimait en anglais sur scène) me permettait de m’interroger sur la destination de notre or. Dans le texte, Kaki dit “qu’il arrivera un jour où l’eau aura plus de valeur que l’or”. Je n’ai pas beaucoup changé dans le texte…Si vous avez remarqué les personnages se ressemblent dans les trois tableaux. Il y a par exemple celui du perreux, présent dans les trois actes. J’ai veillé à maintenir le fil conducteur. Avec l’orchestre, je me suis entendu pour qu’on compose une musique qui accompagne soigneusement le jeu.


Une musique jouée durant tout le spectacle

Oui, je voulais que le texte et les dialogues soient musicaux. Un musique expressive de certaines situations dans la pièce


Il est question d’une relance du théâtre universitaire au niveau national. Qu’en pensez-vous ?


Il y a encore des carences malheureusement. On ne donne pas assez d’importance au théâtre universitaire alors qu’en Algérie le théâtre est bel et bien sorti des campus et du mouvement amateur. A mon avis, il faut introduire le théâtre au niveau de l’école primaire. Pour moi, il n’y a pas de peuple sans théâtre.
Monter la pièce Avant théâtre  était un vrai défi. Je voulais que l’université de Mostaganem soit présente au festival ici à Sidi Bel Abbès. Je voulais que le travail sur le spectacle “Avant théâtre” soit une formation pour les comédiens. Des comédiens qui, pour la plupart, montent la première fois sur scène et jouent face à un public d’un théâtre aux normes professionnelles. Mon but n’est pas la compétition, mais de faire revenir le théâtre à l’université. J’ai discuté avec les comédiens sur le sens de l’histoire mais je ne leur donnais pas tout. Je les laissais mûrir l’idée, je fais confiance à leur imagination. Le chef d’orchestre, le chorégraphe et le scénographe m’ont aidé au montage de la pièce. Pour les étudiants qui jouaient pour la première fois, je leur ai expliqué les positions scéniques et la division de la scène. Cela m’a pris un peu de temps. 

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