“Traîtres, suppôts du sionisme…” Le président tunisien Kais Saied s’est livré, mercredi, au cours de la cérémonie de prestation de serment des nouveaux membres du gouvernement, à une violente charge contre des « parties » non identifiées au parlement accusées de répandre des mensonges sur le processus de formation du gouvernement de Hichem Mechichi.
« Il viendra un jour où je dirai franchement la vérité sur les trahisons, les infiltrations, la traitrise et les promesses mensongères. Sur les liens compromettants avec le sionisme et le colonialisme », a tonné le président tunisien. Il a ajouté que de nombreux députés ont « émis des allégations et a propagé des calomnies » lors de séance plénière consacrée au vote de confiance au gouvernement.
Kais Saied qui n’apprécie pas le système parlementaire tunisien où les partis politiques jouent un rôle essentiel a assuré avoir respecté la Constitution dans le processus de formation du gouvernement. Il s’est dit néanmoins convaincu qu’un « jour viendra où la loi sera conforme à la volonté de la majorité malgré le fait que certains se sont employés à la contourner. ».
Le président tunisien qui a promis d’être sans indulgence envers « quiconque qui ment, diffuse des rumeurs, trahit son pays ou trahit la confiance », a demandé aux membres du gouvernement d’être unis « face aux nombreux traitres et aux pions du colonialisme qui ont vendu leur conscience et leur patrie ».
Cette charge, aux allures franchement complotiste, a eu pour toile de fond la formation du gouvernement Mechichi, proposé par Kais Saied, sans consultation des partis et dans un contexte de dégradation des rapports de ce dernier avec Rachad Ghannouchi, chef du mouvement Ennhadha et président du parlement. Une tentative de retrait de confiance à Ghannouchi au parlement a échoué.
Le chef de l’Etat tunisien ne s’est pas contenté de désigner Mechichi, il aurait essayé de peser sur la composition même du gouvernement. Le chef du gouvernement désigné, conscient qu’il a besoin du parlement pour exister et garder son domaine de compétence par rapport à un président devenu « envahissant », résiste. Du coup, selon des informations persistantes, le chef de l’Etat aurait agit en direction de certains parties les appelant à ne pas voter pour Mechichi, qu’il a lui-même proposé, en leur promettant de ne pas dissoudre l’assemblée.
Ennahdha (54 sièges), son allié Qalb Tounes (27 sièges) et d’autres membres de la classe politique qui n’apprécient pas ce qu’ils qualifient d’empiètement du chef de l’Etat sur les prérogatives du parlement saisissent la perche et apportent leur soutien au gouvernement de Mechichi.
Une démocratie, un vrai parlement
Ces sont ces péripéties et les révélations qui les ont accompagnées, somme toute une illustration éloquente que la Tunisie est une démocratie avec un vrai parlement qui est au cœur même de la vie politique, qui ont fait sortir le président tunisien de ses gonds.
« Un délire complotiste indigne d’un chef d’Etat » a commenté sévèrement le journal en ligne Kapitalis qui s’agace du fait que Kais Saied s’abstient de désigner clairement les parties qui font des « mouamarat » ou qui constituent des « cabinets noirs ».
« Qui sont donc ces ennemis invisibles qu’il a peur de nommer ? L’affairiste véreux Nabil Karoui, qui le déteste cordialement ? Le chef historique des islamistes tunisiens Rached Kheriji dit Ghannouchi qui aimerait tant prendre sa place ? L’agitateur pseudo-révolutionnaire Seïfeffine Makhlouf, qui l’a toujours voué aux gémonies… Erdogan… » écrit avec humeur le site en notant qu’on est au moins sûr qu’il ne s’agit pas de l’écrivain Taha Hussein et du poète Ilya Abou Madhi, « auteurs qu’il lit fréquemment pour meubler ses heures de désœuvrement au palais de Carthage ».