L’Histoire était la grande invitée du deuxième jour du 25ème Salon internationale du livre d’Alger (SILA), vendredi 25 mars.
L’Algérie célèbre cette année le 60ème anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale et celui de la signature des Accords d’Evian qui ont mis fin à 132 ans de colonisation française.
La salle de conférences, installée au Pavillon central du Palais des Expositions des Pins maritimes (Safex) où se déroule le SILA, était bondée lors d’un débat avec l’historien Daho Djerbal, auteur de deux tomes sur les mémoires de Lakhdar Bentobal, parus récemment aux editions Chihab, à Alger.
Daho Djerbal a plaidé pour la collecte des témoignages pour l’écriture de l’Histoire et souligné l’importance des « sources orales ». Il a estimé que le travail des historiens consiste à transformer les témoignages en « documents de référence pour l’écriture de l’Histoire ».
« Il ne faut pas réduire la question mémorielle à la guerre de libération nationale. La mémoire peut nous aider à comprendre le passé, mais il n’y a pas que cela. Il y a aussi les archives qu’il faut ouvrir », a estimé Fouad Soufi, historien. Il a notamment parlé des archives de wilayas historiques (durant la guerre de libération nationale).

« Il y a une grande différence entre la mémoire et l’Histoire »
Il y a parfois, selon lui, des inexactitudes dans les mémoires écrites par les acteurs de la guerre de libération nationale.
« Il y a une grande différence entre la mémoire et l’Histoire. La mémoire d’un individu n’est pas de l’Histoire. Il s’agit de souvenirs, d’un vécu, d’un ressenti…J’ai interviewé des moudjahidine, dix ans après, ils m’ont dit le contraire de ce qu’ils m’avaient dit auparavant. La mémoire est un outil pour l’écriture de l’Histoire », a-t-il noté.
Selma Hellal, directrice des éditions Barzakh, à Alger, a estimé que le témoignage peut être un support pour l’écriture de l’Histoire. « C’est une source parmi d’autres. En Algérie, le témoignage vient en compensation et pour boucher les trous de la privation d’accès aux archives. N’ayant pas la capacité d’accéder aux archives, l’historien s’appuie sur les témoignages avec tout ce que l’on sait d’aléatoire, de relatif et du non fiable dans le contenu de ces témoignages. Je mesure bien le désarroi de l’historien algérien », a-t-elle souligné.
Écrire sur l’Algérie d’avant 1830
Elle a rappelé que Barzakh a élargi son champ éditorial à la publication de témoignages (en plus de la littérature) pour des « considérations commerciales et éthiques ». « Car, il fallait capter certaines voix, publier ce qu’elles avaient à dire. C’était important », a-t-elle dit.
Les éditions Barzakh ont notamment publié les mémoires de Claudine et Pierre Chaulet, d’Alice Cherki, de Mokhtar Mokhetifi et de Rachid Benyelles. Selma Hellal a plaidé pour que les personnes qui « ont des choses à dire » sur des faits historiques sortent « de leurs corsets », parlent plus librement, aillent dans les détails.
Hassan Remaoun, chercheur en histoire au Centre de recherches en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) d’Oran, a souligné, de son côté, l’action diplomatique et médiatique menée par le FLN et le GPRA, à la fin des années 1950, pour obtenir une adhésion au combat libérateur mené contre le colonialisme français.

Il était important, selon lui, pour la Révolution (de 1954) d’avoir d’abord des appuis en Afrique contre « la présence coloniale française ».
Le 25ème SILA a été inauguré, pour rappel, jeudi 24 mars 2022 par le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane qui a appelé, lors d’une tournée à l’intérieur du Pavillon central, pour la coédition d’ouvrages universitaires anglophones en Algérie et pour impression du livre scolaire en trois parties, « une pour chaque trimestre », dans le but d’alléger le poids des cartables des écoliers (surtout en cycle primaire et moyen).
« Nous ne devons pas nous limiter à l’impression du livre. Il faut lui faire de la promotion pour qu’il soit lu. Nous voulons que le niveau du lectorat soit hissé vers le haut », a-t-il déclaré.
Aïmene Benabderrahmane a plaidé pour la publication d’ouvrages et de recherches traitant de l’Histoire de l’Algérie « avant 1830 » (début de la colonisation française). « Il y a des tendances qui cherchent à réduire l’Histoire de l’Algérie de 1830 à 1962 ».