Une année après l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani, les tensions entre l’Iran et les Etats Unis connaissent une escalade inquiétante sur fond de menaces interposées qui font planer le spectre d’une confrontation militaire entre les deux pays, à un peu plus de trois semaines de la fin du mandat du président américain, Donald Trump.
Vendredi, le chef de l’Autorité judiciaire en Iran, Ebrahim Raïssi, a averti que les auteurs de l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani, chef de la Force al Qods, unité d’élite chargée des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution, tué il y a un an à Baghdad dans une attaque américaine, ne seraient “nulle part en sécurité”. “Ne pensez pas que quelqu’un comme le président de l’Amérique, qui apparaît comme un assassin ou qui a ordonné un assassinat, peut s’en tirer (…) Jamais”, a dit M. Raïssi. “Ceux qui ont joué un rôle dans ce meurtre ne seront nulle part en sécurité sur cette terre”.
Intervenant à l’université de Téhéran, le successeur de Soleimani, Esmail Qaani, a averti que la riposte au meurtre de Soleimani pourrait se produire n’importe où. “C’est même possible qu’il y ait des gens chez vous (aux Etats-Unis) qui riposteront à votre crime”, a-t-il dit. Samedi, le chef des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique d’Iran, le général de division Hossein Salami a indiqué, que, l’Iran ripostera à “toute action de l’ennemi”, en référence aux tensions croissantes avec les Etats-Unis, lors d’une inspection des troupes stationnées sur une île clé dans le Golfe. “Nous sommes ici aujourd’hui pour nous assurer de notre puissance navale contre les ennemis qui fanfaronnent et nous menacent”, a déclaré le général de division Hossein Salami sur l’île d’Abou Moussa, selon Sepahnews, le site internet officiel des Gardiens de la révolution.
Jeudi, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a accusé le président américain sortant Donald Trump de chercher à fabriquer “un prétexte” pour lancer “une guerre” avant son départ le 20 janvier de la Maison Blanche, après un mandat durant lequel il a mené une campagne de “pression maximale” contre Téhéran. Suite à l’assassinat de Qassem Soleimani, l’Iran avait, riposté en tirant des missiles sur des bases irakiennes abritant des soldats américains. Fin novembre, le porte-avions américain USS Nimitz a été déployé dans le Golfe, et deux bombardiers américains B-52 ont survolé la région le 10 décembre dans une démonstration de force.
L’Iran veut de nouveau enrichir l’uranuim à 20%
Dans ce contexte de défiance, l’Iran a fait part à l’Agence internationale de l’énergie atomique de sa volonté de produire de l’uranium enrichi à 20%, bien au-delà du seuil fixé par l’accord de Vienne de 2015, a indiqué vendredi l’agence onusienne. D’après le dernier rapport disponible de l’agence onusienne, publié en novembre, Téhéran enrichissait de l’uranium à un degré de pureté supérieur à la limite prévue par l’accord de Vienne (3,67%) mais ne dépassait pas le seuil de 4,5%, et se pliait toujours au régime très strict d’inspections de l’Agence. Mais le dossier connaît des soubresauts depuis l’assassinat fin novembre d’un physicien nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh. Dans la foulée de cette attaque attribuée à Israël, l’aile la plus dure à Téhéran a promis une riposte, et le Parlement a adopté une loi préconisant de produire et stocker au “moins 120 kilogrammes par an d’uranium enrichi à 20%” et de “mettre fin” aux inspections de l’AIEA, destinées à vérifier que le pays ne cherche pas à se doter de la bombe atomique.
Le gouvernement iranien s’était montré opposé à cette initiative dénoncée par les autres signataires de l’accord, qui avaient appelé en décembre Téhéran à ne pas “compromettre l’avenir”. “Les +démocraties+ ne peuvent pas demander à l’Iran de violer la législation parlementaire”, avait toutefois prévenu le ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif.
Les différentes parties prenantes (Chine, France, Allemagne, Russie, Royaume-Uni) jouent la montre, fondant des espoirs sur l’arrivée prochaine de Joe Biden à la tête des Etats-Unis. Le démocrate s’est montré déterminé à sauver ce pacte (appelé JCPoA), mis à mal depuis le retrait américain en mai 2018, à l’initiative de Donald Trump, et le rétablissement des sanctions économiques par les Etats-Unis.
Le renvoi des inspecteurs de l’AIEA et la reprise d’activités d’enrichissement à hauteur de 20%, niveau que pratiquait l’Iran avant la conclusion de l’accord de Vienne, risqueraient de renvoyer le dossier du nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité de l’ONU.