Avec ces deux années de Covid , nous avons perdu l’habitude de voir certains ami-e-s , celles, ceux du second cercle voire du troisième , nous avons oublié ou presque ce qui faisait leur charme ou leur répulsion, des qualités que nous apprécions et des zones d’ombre que nous préférons occulter au nom de l’amitié .
Cependant certains moments de nos vies font que nous sommes indifférents ou plus réceptifs , c’est ainsi que me voila en visite chez une amie , appelons-la Sarah .
Nous parlons de Gauguin qu’elle apprécie (et dont le propos exotique me hérisse) , du Moyen Orient (où S. a beaucoup voyagé) et du Maghreb, du Covid et de ses mandarins péremptoires que l’on voit sur nos écrans à longueur de journée , des unes du Monde, de Libé, du Diplo …
La conversation était amicale, très animée, le thé et le panneton délicieux .
Sarah est, ce qu’on appelle une CSP plus , diplômée de sciences po, cadre sup., une grande culture , une passion pour la politique et pour les voyages . Elle vit seule dans un trés grand appartement aux meubles art-déco et syriens, des livres rangés de manière presque obsessionnelle, un paquet ciré sous des tapis bleus ramenés de Turquie assortis au canapé et aux chaises d’époque …
L’aprés midi passa agréable et je prenais congé lorsque me raccompagnant sur la pas de la porte , face à l’ascenseur en fer forgé , mon amie s’enquiert : est-ce que tu fêtes Noël ?
Mon coeur se remplit soudain de pierres, devrais-je montrer un certificat d’intégration ?
Autre lieu, autre jour
Un repas à la maison avec pastilla et glace aux pistaches et autour de la table Jean Marc professeur d’université à la retraite et Chantal sculpteur. Nous nous connaissons depuis des décennies depuis notre rencontre dans une association de soutien à l’indépendance de l’Algérie qui a muté en soutien aux travailleurs (avec un accent sur le T manière Laguillier) immigrés .
Aprés quelques échanges sur les enfants , la présidentielle avec ou pas Taubira, la primaire à gauche et ses modalités , les cours que suit Jean Pierre où on lui raconte que la majorité des Algériens sont Kabyles, les luttes de l’immigration en Isère durant les années 70, ma prochaine exposition, les dernières oeuvres de Chantal …
Nous voila à la fin de la soirée, heureux de s’être enfin revus, lorsque tombe la question : les juifs européens ne sont pas religieux , ce sont les séfarades qui ont apportés la religions avec eux . Et l’intégrisme ?
Je regarde Chantal, qui baisse les yeux gênée …
Nous voilà nous autres “issus de …” interrogés sans cesse sur ce qui devrait constituer notre identité intime, notre part de vie qui ne regarde que nous, mais soudain l’air du temps nous percute jusqu’à dans nos amitiés .
Ainsi va la France en ce moment dont seule la terre se souvient de l’homme et de la femme aux journées abattues sous un ciel tendu de larmes, à la douleur de la porteuse d’eau bleue dans un champ de cactus .
Bonjour Madame,
Je viens de lire vos deux lettres. Je comprends ce mal à l’aise. Vous revendiquez à juste titre de ne pas être “interrogée sans cesse” ce qui devrait constituer notre identité intime. Vous avez parfaitement raison. Cependant tous les jours, d’autres affichent au quotidien ce qui devrait constituer leur identité intime. D’un autre côté les rapports avec les gens que l’on connait depuis “des décennies” font que certains sujets puissent être abordés pour aller au delà de rapports sinon finalement assez superficiels