Mohamed Laagab : “On est arrivé à un stade où la presse sportive est devenue une menace pour la sécurité nationale”

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Mohamed Laagab :
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Mohamed Laagab, ministre de la Communication, a rencontré, ce jeudi 1 février 2024, des représentants de médias sportifs algériens, à la salle des conférences du complexe sportif Mohamed Boudiaf, à Alger.


En présence du ministre de la Jeunesse et des Sports, Abderrahmane Hammad, et du président de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV), Mohamed Louber, le ministre de la Communication a dressé un constat critique de la presse sportive en Algérie. Il a annoncé avoir avancé la date d’une rencontre prévue avec les médias sportifs en raison du “traitement médiatique” de l’élimination de l’équipe d’Algérie de football de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), qui se déroule actuellement en Côte d’Ivoire. Les verts sont sortis dès le premier tour provoquant une avalanche de critiques contre le sélectionneur national Djamel Belmadi.


“On ne doit pas comprendre que cette conférence est un procès pour les journalistes sportifs. Nous sommes des partenaires. Moi-même, je suis journaliste et j’ai publié un livre sur les sports en 2009. Le sport concerne les citoyens, il est donc naturel qu’il intéresse l’élite”, a-t-il dit.  


“J’ai remarqué autant que les citoyens et les députés qu’il existe un certain dépassement dans le traitement médiatique. Cette situation peut provoquer une tension sociale. La société civile d’une wilaya demande à répondre à une chaîne de télévision. Les gens ressentaient un certain mépris. Si on ouvre la brèche, toutes les wilayas viendront faire des mises au point. Les chaînes de télévision sont tenues, plus que d’autres médias, au respect des règles d’éthique et de déontologie. Les invités et experts (dans les plateaux de télévision) doivent faire attention à ce qu’ils disent à l’antenne. Un média constitue une arme. Si vous vous permettez de tuer les gens avec cette arme, les autres ont aussi le droit de le faire avec les moyens qu’ils ont”, a-t-il déclaré.


“La perte d’un match ne peut pas devenir une affaire nationale”


“On est arrivé à un stade où la presse sportive est devenue une menace pour la sécurité nationale. Une wilaya contre une autre, une ville contre une autre. La presse sportive a joué un rôle négatif. On écrit même en premier page : “lyoum matefrach” ( Aujourd’hui, pas de grâce). Cela veut dire quoi ? Après tout, ce n’est qu’un jeu. La perte d’un match (de football) ne peut pas devenir une affaire nationale. On en parle tout au long de la journée et on démoralise les citoyens. La presse sportive doit faire attention à cela. Parfois, la presse sportive a failli créer des problèmes diplomatiques avec d’autres Etats. Comment expliquer qu’on passe de la presse sportive aux relations internationales ? Qu’on cible des Etats ?”.
Il a appelé les journalistes sportifs à se conformer aux règles du métier de la presse pour éviter l’irréparable, “à l’intérieur du pays ou avec les pays du voisinage”.


“Vous avez vu qu’un fake news a failli perturber les relations entre l’Algérie et la Mauritanie. Il a fallu une intervention du syndicat national des journalistes sportifs pour remettre les choses à l’ordre. Dans le monde, beaucoup d’affaires sont passées de l’aspect sportif à l’aspect politique pour se développer ensuite en guerres. Nous ne voulons pas arriver à ce stade”, a-t-il averti.


Il a rappelé l’affaire de 2004 en Tunisie. En février 2004, des incidents avaient émaillé le match Algérie-Maroc à Sfax, lors des quarts de finale de la CAN. Des supporters algériens avaient été accusés d’avoir commis des actes de saccage et de violences dans la ville de Sfax. La police tunisienne avait également été accusée d’avoir brutalement frappé les supporters algériens sans distinction. Ces événements  avaient été relayés par la presse des trois pays avec des versions différentes, chaque partie accusant l’autre d’être à l’origine des violences.


“On a vu parfois que des journalistes sportifs sont devenus des entraîneurs, des arbitres….”

Mohamed Laagab a également cité le match Algérie-Egypte à Oum Darman, au Soudan, en 2009. A l’époque, la presse égyptienne avait mené une campagne particulièrement violente contre l’Algérie, suivie par les médias algériens contre l’Egypte.


Le ministre a évoqué  le sens de la responsabilité des journalistes. “Quand on travaille dans la presse sportive, on est d’abord journaliste. Un journaliste qui connaît les règles de l’écriture et qui sépare entre l’opinion et l’information. La presse sportive est peu diversifiée. Il n’y a pas de reportages, de portraits sur les athlètes, sur les entraîneurs, sur les supporters, des enquêtes, des interviews…Il n’y a que des informations et des controverses. Le journaliste est responsable de ce qu’il écrit ou diffuse, doit vérifier l’information et toutes les données avant publication. Le mieux est de vérifier l’information au moins de deux sources”, a-t-il conseillé.


Il a cité l’exemple des entraîneurs qui attaquent les arbitres après les matchs de football et qui sont relayés par les journalistes. Il a estimé que le journaliste doit aussi préparer ses interviews. “On sent souvent dans certains plateaux que les journalistes n’ont pas préparé les entretiens avec leurs invités. Ce n’est plus du journalisme, mais une simple discussion de cafés. On a vu parfois que des journalistes sportifs sont devenus des entraîneurs, des joueurs, des arbitres ou même des magistrats qui accusent et qui jugent. Les journalistes sont tenus de respecter les règles de déontologie. Au stade, le journaliste n’est pas un supporter. J’ai vu des journalistes sportifs défendre leurs clubs (de football). Où est donc la presse ? Le journaliste doit également respecter le public et la vie privée des gens. Certains journalistes pensent qu’ils peuvent régler tous les problèmes du secteur des sports en Algérie. Les journalistes peuvent faire le constat, critiquer, mais pas régler les problèmes, c’est la mission des parties concernées par le sport”, a souligné le ministre de la Communication.  


“La presse sportive a été livrée à elle-même…”

Il a regretté que les journalistes soient devenus eux-mêmes “les victimes” de ce qui est publié sur les réseaux sociaux, “alors qu’ils sont censés chercher l’information”.  Mohamed Laagab a estimé que les pouvoirs publics se sont intéressés plus à la presse politique qu’à la presse sportive. “La presse sportive a été livrée à elle-même et nous avons constaté quotidiennement des conflits, des divergences et des plaintes liés à des fédérations, des sportifs et des journalistes”, a-t-il dit.


Il a rappelé avoir rencontré dernièrement les directeurs des chaînes de télévision privées et publiques pour discuter des programmes qui seront diffusés durant le mois du Ramadhan qui débute en mars 2024. “J’ai aussi rencontré le directeur de la TDA (Télédiffusion d’Algérie) pour améliorer la qualité de l’image, passer de la norme SD à HD, et la diffusion par satellite. Nous cherchons des voies exemplaires pour améliorer et renforcer la presse nationale pour au moins jouer les premiers rôles dans l’entourage régional”, a-t-il déclaré.


Le ministre a annoncé la tenue de deux rencontres, samedi 3 février 2024, avec les responsables des radios locales et des stations régionales de télévision.  Il a rappelé la promulgation des lois sur l’information, la presse écrite et électronique et l’audiovisuel en août et décembre 2023. “J’ai découvert que les journalistes n’ont pas lu les nouveaux textes. Je vous appelle à lire ces lois”, a-t-il plaidé. 

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