6ème Festival national du théâtre féminin d’Annaba : “Robe masculine” ou le double drame d’une femme livrée à la solitude et aux tentations

0
6ème Festival national du théâtre féminin d'Annaba :
Google Actualites 24H Algerie

Le monodrame “Robe masculine”, mis en scène par Hamza Litim et produit par le Théâtre régional Mohamed Tahar Fergani de Constantine, est le dernier spectacle en compétition au 6ème Festival national du théâtre féminin d’Annaba.


Ecrit par le dramaturge irakien Abdenbi Zaïdi, connu pour son écriture sombre et sa langue soignée, ce monodrame,  interprété par Rasha Saadallah, narre le vécu tragique de Ikhlas, une femme laissée seule dans une maison froide après le départ forcé de Rabi’e, son époux, vers la guerre. L’homme a été enrôlé le jour de ses noces. L’attente du retour se fait douloureuse. Ikhlas regarde par la fenêtre, espère qu’à chaque fête de l’Aïd, son époux revient. Elle prépare les plats qu’il aime. Et, elle se maquille. Le miroir lui rappelle qu’elle a vieilli. “Tout est devenu dur dans cette maison, ma peau, mes cheveux”, constate-t-elle.


Ikhlas, qui dénonce la guerre et ses méfaits, pense que l’espoir pourrait venir d’un devin qui lui rend visite et qui lui parle d’un possible retour de son époux le jour de l’Aïd. Mais, l’homme extralucide lui pose des conditions, l’une d’elle porte atteinte à sa dignité de femmes.


“Une nouvelle expérience”

“Robe masculine” s’inscrit dans le psychodrame. Le jeu de la comédienne est accompagné de mouvements chorégraphiques. “Il s’agissait de traduire les idées de la femme tourmentée. L’une des danseuses exprimait la maladie mentale de cette femme, et l’autre l’espoir”, a précisé Nada Rouini, chorégraphe, lors du débat qui a suivi le spectacle.


La musique dramatique était parfois envahissante au point d’étouffer la voix, quelque peu basse, de la comédienne. Pour Hamza Litim, la musique permettait à la comédienne de souffler. “Surtout qu’il s’agit d’une nouvelle expérience pour elle”, a-t-il dit.


Lors du même débat, un reproche a été fait au metteur en scène sur le maintien du texte irakien tel qu’il est et sur le fait de n’avoir pas fait l’effort de l’algérianiser.  “Abdenbi Zaïdi a écrit ce texte en hommage à l’ancien président irakien Saddam Hussein”, a précisé Hamza Litim.


Le metteur en scène Karim Boudechiche a accompagné Hamza Litim et son équipe dans le montage de la pièce et a évoqué le projet du “théâtre laboratoire” au Théâtre régional de Constantine.


“Il s’agit d’accompagner les troupes et les associations existant à Constantine. “Robe masculine” est le deuxième spectacle produit dans le cadre de ce laboratoire, après le spectacle chorégraphique “L’adresse” de Billel Boubred. Nous mettons à la disposition des artistes l’espace, les techniques de scène et l’assistance artistique mais nous laissons la liberté aux jeunes de créer leurs spectacles. C’est aussi une manière d’assurer une formation”, a-t-il précisé.


Revenir des cendres

Les drames d’une femme sont également présents dans “Ai’ida min el ramad” (عائدة من الرماد) un spectacle conçu par Ali Abdoun et interprété par Amina Fakir Belkacem. C’est l’histoire d’une femme, mariée et divorcée jeune avec un enfant. Elle rêvait d’une vie conjugale colorée avec son époux telle que lue dans les romans. Rêves brisés par le comportement hostile de la belle mère. Elle se retrouve seule avec son enfant face à une société impitoyable.


Une société qui regarde avec médisance la femme divorcée. Elle subit le harcèlement sexuel dans une entreprise, licenciée d’un cabinet d’avocat à cause de son enfant, ne retrouve aucun refuge chez sa famille. Même ses sœurs la rejettent. Elle élève, dans le sang et la sueur, son garçon. Il finit par partir à l’étranger sans même la prévenir. Elle décide alors de renaître de ses cendres. “Le noir, ne me va pas bien”, dit-il en réplique au roman d’Ahlem Mosteghanemi, الأسود يليق بك.


Le spectacle a été joué dans le salon du Théâtre régional Azzeddine Medjoubi. Un espace non conventionnel qui plaît à Ali Abdoun, concepteur du monodrame.


“C’est une petite histoire de proximité, en dehors de la machinerie théâtrale. Une femme de plus de 45 ans est venue me proposer son texte. Elle n’a jamais fait de théâtre. Je l’ai pris en charge en gardant intégralement son texte. Je n’ai rien touché. Je l’ai intégré dans un atelier avec des adolescents pour la formation. Elle était plus disciplinée qu’eux. J’ai constaté qu’elle avait envie de faire du théâtre, j’ai décidé alors de l’accompagner”, a-t-il dit.


 Ali Abdoun dirige un atelier de formation aux arts scéniques à Tlemcen avec son association Founoun Erroukh.  Il a parlé d’une expérience libre. Le spectacle présenté à Annaba était en hors compétition. “Je voulais partager cette expérience avec les compagnons de route qui sont là. C’est avec eux qu’on peut construire quelque chose. Je voulais, à travers ce spectacle, mettre en valeur la légende individuelle, l’histoire d’une femme qui arrive à sortir du goulot d’étranglement social. Aujourd’hui, des jeunes de 30 ans veulent aller à la Omra, oublient de vivre. A mon âge, 70 ans, je marche, travaille, chante, vis, aime…J’encourage les jeunes à faire du théâtre, à aimer”, a confié Ali Abdoun qui revendique le théâtre brut. 

Article précédentYamina Ghassoul, la lionne du théâtre algérien
Article suivantFarida Saboundji la déesse des arts du spectacle

Laisser un commentaire